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Le blog de Tony Andreani
13 décembre 2023

LE DESHONNEUR D'ISRAEL

 

Je n’ai pas l’habitude de commenter l’actualité, mais celle-ci est tellement terrifiante que je me sens obligé d’en dire quelques mots.

C’est triste à dire, mais la politique actuelle du gouvernement d’Israël a des ressemblances frappantes avec l’idéologie nazie. Ce qui apparaît non seulement comme une sombre ironie de l’Histoire, mais encore comme une totale trahison d’une pensée religieuse originale, distincte à bien des égards des autres traditions monothéistes, et qui a ses lettres de noblesse.

Cette politique prend au pied de la lettre la croyance que les enfants d’Israël ont été élus par l’Etre suprême pour être son peuple, « trésor de tous les peuples » (pourvu qu’il respecte sa Loi). L’idéologie nazie considérait de même que la race aryenne était, de par la loi de la génétique, supérieure à toutes les autres.

La politique actuelle du gouvernement d’Israël soutient que le peuple juif, sauvé par Moïse de l’esclavage et toujours persécuté par la suite, a, de ce fait, un plein droit à son espace vital, qu’elle identifie à la mythique Judée-Samarie de ses origines. De même l’hitlérisme revendiquait comme siens tous les pays du Nord et de l’Est européens, de race selon lui majoritairement aryenne, en en chassant les Slaves, ces sous-hommes, afin de disposer de sa pleine autarcie.

La politique actuelle du gouvernement d’Israël considère que, pour assurer sa sécurité contre ses voisins, mais d’abord contre des Palestiniens, dont les ancêtres avaient déjà été chassés par les forces sionistes, pour moitié d’entre eux, d’un territoire qui  était le leur, tous les moyens sont  bons, jusqu’à, si les circonstances l’exigent, leur liquidation. Les nazis l’avaient fait avant eux, mais avec plus de discrétion (les camps d’extermination des Juifs, des autres minorités considérées comme appartenant à des races inférieures ou à des groupes « dégénérés », ont été dissimulés à la population allemande elle-même). C’est ce qu’ils appelaient la « solution finale ». L’Etat israélien applique cette politique d’extermination à Gaza. On ne peut pas appeler autrement les bombardements massifs qui ont déjà détruit plus de la moitié des immeubles et des habitations, fait des milliers de victimes désarmées, privé les habitants d’eau, d’électricité, de gaz, d’essence, de nourriture et de soins, au point que les survivants meurent non pas sous les bombes, mais de leurs blessures et de maladies (jusqu’à des centaines d’enfants sont amputés, pour les sauver, quand c’est encore possible, de la gangrène). Et il y a une forme d’indécence à affirmer qu’aucun ordre d’extermination a été donné par le gouvernement israélien, quand les faits prouvent le contraire, ou à considérer que les violences perpétrées par le Hamas sont bien pires, quand on écrase Gaza, les mains propres, mais sous un déluge de bombes. C’est pourquoi de nombreuses voix s’élèvent de par le monde pour parler non seulement de crimes de guerre, mais d’un crime contre l’humanité, voire d’un génocide, comme il y en a eu quelques uns dans l’histoire contemporaine.

Alors on cherche à comprendre. Je vais essayer de passer au crible quelques une des raisons qui pourraient non pas justifier, mais excuser en partie ces massacres de masse.

D’abord il s’agirait seulement d’extirper le Hamas, cet ennemi qui menace depuis longtemps la sécurité d’Israël avec des tirs de roquettes de plus en plus meurtriers et qui a osé pénétrer son territoire d’Israël pour y commettre des atrocités (qu’il nie d’ailleurs avoir commanditées comme telles, ce qui est plausible, car il ne l’a pas fait dans le passé). N’importe quel esprit sensé sait que c’est militairement impossible sans prendre aussi pour cible toute la population, ce qui a déjà été vérifié lors des trois guerres (2008, 2014, 2021) qui ont eu lieu avec lui et qui ont déjà fait des milliers de victimes civiles (sans parler de celles parmi les manifestants non armés des « marches du retour » en 2018-2019).

On entend dire aussi que cette politique de destruction et de terreur est seulement le fait d’une droite fanatique, bien décidée à ce qu’il n’y ait jamais d’Etat palestinien, et qui s’est maintenue au pouvoir en Israël grâce à une alliance avec des religieux messianiques. Hélas, force est de constater que non seulement cette droite a trouvé une majorité pour l’élire depuis de nombreuses années, mais encore qu’aujourd’hui les voix, de plus en plus minoritaires, qui, parmi les Juifs d’Israël, souhaitaient vivre en paix avec les Palestiniens, se taisent, la seule chose qui les préoccupe étant le retour des otages, il est vrai à quelques exceptions près, dont celles d’ONG israéliennes, qui se font qualifier de « traitres ». C’est ailleurs, dans d’autres pays du monde, que des Juifs, chaque jour qui passe plus nombreux, et des rabbins aussi, dénoncent les massacres commis à Gaza.

On peut certes sans peine imaginer le traumatisme subi à la suite de la violence déchainée pendant quelques heures par les militants du Hamas - un traumatisme comparable à l’effet de sidération ressenti par les Français après la tuerie du Bataclan. On peut aussi comprendre que cette violence ait brutalement réactivé le sentiment d’une menace existentielle pesant sur les Juifs. Mais les jours ont passé, et c’est bien la très grande majorité de la société juive israélienne, qui, selon ce qu’en disent les reportages, ne veut pas d’un cessez-le-feu et reste parfaitement insensible au sort des Gazaouis, quand elle ne participe pas elle-même directement, à travers tous ses réservistes, à l’un des combats les plus destructeurs, en zone densément peuplée, de l’histoire récente (plus de munitions ont été larguées en un mois que pendant tout le siège de Sarajevo).

Cette indifférence n’est pas liée seulement à un désir de vengeance, qui s’exacerbe en volonté de punition collective, mais aussi au mépris dans lequel les Juifs israéliens tiennent les Palestiniens, c’est un universitaire israélien lui-même qui le dit : « Depuis l’effondrement des accords d’Oslo nous avons déshumanisé les Gazaouis non seulement en refusant de regarder le sort qui était le leur dans l’enclave, mais aussi par simple mépris » (entretien dans Le Monde du 25 novembre 2023). Des Gazaouis définis par le Ministre de la défense israélien comme des  « animaux humains », ce qui nous rappelle à nouveau le discours nazi. En fait c’est cette même vaste majorité de la population israélienne qui a observé sans sourciller la colonisation en Cisjordanie, les exactions des colons, le quadrillage de toute cette région par son armée, et qui a fermé les yeux sur les tortures infligées aux prisonniers palestiniens, même quand il y avait peu à leur reprocher. C’est cette même population qui a approuvé l’annexion rampante de tous les territoires palestiniens, et dont une partie verrait bien les Gazaouis chassés de leur enclave pour pouvoir la réoccuper. Pour tous les Juifs de bonne volonté, c’est là le plus terrible des constats. Enfin, pour justifier l’injustifiable, il fallait aux Juifs israéliens diaboliser le Hamas. Mais il faut parler ici de cécité volontaire. Car telle n’est pas la réalité, volontiers colportée par les gouvernements et la plupart des médias occidentaux.

Première évidence : le Hamas est de plus en plus populaire parmi les Palestiniens. La première explication qui vient à l’esprit est que sa courte victoire (l’espace de quelques heures) a permis de laver l’affront permanent, et précisément le mépris, dont ils ont souffert quotidiennement pendant tant d’années, non seulement dans cette « prison à ciel ouvert » qu’était Gaza, mais encore en Cisjordanie. Les Palestiniens sont aussi reconnaissants au Hamas, d’avoir, en les échangeant contre les otages qu’il avait capturés, fait sortir des geôles israéliennes des prisonniers ou des prisonnières dont beaucoup n’avaient fait rien d’autre que jeter des pierres ou de s’opposer à la colonisation, et qui faisaient cependant souvent l’objet d’une détention administrative sine die, en l’absence de tout jugement. Mais surtout les Palestiniens n’ont pas seulement considéré le Hamas comme un mouvement de résistance, là où le Fatah avait fini par baisser les bras. Ils ont refusé d’y voir un ramassis de terroristes fanatisés. Et ils ont eu raison.

Car il faut être clair là-dessus. Le Hamas est sans doute un mouvement islamiste, mais il n’a rien à voir avec les illuminés sanguinaires de Daesh, au point qu’il  a promptement éliminé les groupes Etat Islamiste qui sont apparus à Gaza. La propagande israélienne et occidentale en a fait des fous de Dieu, prêts à tuer par des attentats tous les mécréants, capables d’autres pires barbaries, autrement dit l’incarnation même du Mal. Or le Hamas, ses adversaires palestiniens le disent eux-mêmes, est devenu un mouvement avant tout nationaliste, qui n’applique pas la charia, qui laisse exister une respiration démocratique (dans les Universités, dans les entreprises). Qui plus est, il a administré Gaza, avec ses différents Ministères, d’une manière efficace, et avait par là le soutien majoritaire, selon des enquêtes d’opinion, des Gazaouis eux-mêmes. Alors vient la question : pourquoi ceux-ci ne se retournent-ils pas contre ceux qui les ont mis dans une situation désespérée, avec plus de 17.000 morts à ce jour, sans compter ceux pourrissant encore sous les décombres, avec la faim et la soif qui les tenaille, une errance sans fin, leurs habitations détruites, leurs familles décimées, et la peur au ventre à chaque explosion ? Il est bien sûr difficile de le savoir, mais on n’en a pas vu un seul d’entre eux se réfugier auprès des soldats israéliens pour leur demander leur protection. Seulement des drapeaux blancs pour ne pas être tués.

On ne sait pas comment il sera possible d’en finir avec cette tragédie. Ce qui est quasiment sûr, c’est que l’issue ne viendra pas de l’actuel gouvernement  d’Israël, ni des Etats-Unis, qui se contentent de conseils de modération, et opposeront toujours leur veto à une Résolution des Nations Unies qui exigerait la création, sans la renvoyer aux calendes grecques, d’un véritable Etat palestinien, tout en garantissant, si besoin avec des casques bleus, la sécurité d’Israël. On entend parler d’un « protectorat » provisoire de la bande de Gaza, bientôt complètement détruite, sous l’égide de l’Arabie saoudite. Une fausse solution au conflit, car on ne voit pas comment les Palestiniens pourraient s’en satisfaire. Le plus rationnel et le plus praticable serait  que l’Assemblée générale des Nations Unies, nonobstant le veto des Etats-Unis au Conseil de sécurité (seuls contre tous ses autres membres, avec une abstention de la Grande Bretagne), qui s’est déjà prononcé à une majorité  écrasante pour un cessez-le-feu immédiat, lance une consultation des populations israélienne et palestinienne sur un projet de règlement définitif du conflit, qui définirait les frontières de deux Etats, et ceci afin de préparer des élections, lesquelles, du côté palestinien, ne sauraient exclure aucune des parties, donc pas davantage le Hamas, dont il faut souligner, bien que ce soit généralement passé sous silence, qu’il a amendé sa charte, en 2017, pour accepter, à titre provisoire, le principe d’un Etat palestinien, non pas « du Jourdain à la mer » (cette formule chère aux suprémacistes juifs pour leur propre pays), mais dans les frontières de 1967. 

Certes une partition de l’ancien territoire de la Palestine revient à entériner un long processus de colonisation, commencé depuis le 19° siècle, contre la volonté des Palestiniens, continué sous le mandat britannique, qui a cependant voulu le limiter, et avalisé, en 1947, sous la pression des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, par l’Assemblée générale des Nations Unies, dont le plan de partage donnait à Israël, qui n’avait pas encore proclamé son indépendance, 55% de la Palestine mandataire, alors qu’il était minoritaire en population. Certes cette colonisation par les armes a pris une ampleur démesurée avec l’exode forcé des Palestiniens en 1948, qui a permis à Israël, désormais indépendant, de s’emparer de 78% de la Palestine historique, puis après la guerre des Six jours, d’en occuper la totalité, avant de devoir s’en retirer en partie. Et il faut souligner que la fameuse « ligne verte » de 1967, à laquelle on se réfère pour envisager une solution à deux Etats, n’est qu’un retour à une partition qui ne laisserait aux Palestiniens, qui sont aussi nombreux que les Israéliens (en comptant ceux qui sont tolérés en Israël) que 22% de la Palestine historique. Mais il faudrait bien tenir compte de la réalité sur le terrain pour élaborer un nouveau plan de partage – qui devrait être plus équitable. Et surtout il faudrait d’abord consulter les Palestiniens, qui, dépourvus de toute existence légale en droit international, ont depuis toujours été exclus des négociations directes (les accords d’Oslo eux-mêmes, aujourd’hui caducs, ont été élaborés en secret).

Si la voix de l’Union européenne reste inaudible, ce qui est probable, il serait à l’honneur du gouvernement français de porter devant l’ONU cette initiative d’une consultation et, ensuite, de la tenue d’une Conférence internationale devant déboucher sur la proposition d’un règlement équitable, ou du moins de s’associer à une telle initiative. On verrait bien alors qui, d’entre Israël et les Palestiniens, veut une guerre sans fin.

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Commentaires
M
L'analyse est excellente. Merci pour elle. Mais, au point où les choses en sont arrivées, je ne vois aucune solution, si ce n'est la victoire totale d'un peuple sur un autre, chacun aidé de ses alliés actuels ou futurs, en espérant la longanimité des vainqueurs...
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  • Comment réenchanter la politique ? En lui fixant un nouveau cap, qui serait la construction d’un socialisme du XXI° siècle. Un socialisme dont l’axe central serait la démocratie économique (au sens large).
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