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Le blog de Tony Andreani
9 novembre 2014

PIKETTY : REGULER LE CAPITALISME PAR LA FISCALITE?

 

Thomas Piketty a publié, avec le succès que l’on sait, un épais volume intitulé Le capital au XXI° siècle. Un succès en tout état de cause mérité, car le livre représente un effort sans précédent pour retracer l’histoire d’un certain nombre de variables économiques, dont le taux de croissance et le taux de rendement du « capital », ainsi que celle des inégalités, sur trois siècles (avec même une extrapolation depuis l’an zéro), tout en établissant des comparaisons entre les principaux pays riches (mais aussi, avec moins de données, entre eux et les pays émergents). Un travail impressionnant, mené avec un souci de clarté et de pédagogie qu’il faut saluer. Un travail indiscutablement utile, où le lecteur trouvera une mine d’informations, qui vont parfois contre les idées reçues.

A titre indicatif, on y apprend par exemple qu’un taux de croissance de 1%, qui nous paraît pourtant bien modeste, n’est pas soutenable à long terme, car il correspondrait à une multiplication par plus de 20.000 au bout de 1000 ans, ce qui fait réfléchir[1]. On y apprend que les Etats-Unis ont été longtemps bien moins inégalitaires que les pays européens, et qu’ils ne voulaient pas leur ressembler à cet égard, ou encore que la mobilité sociale y est aujourd’hui plus faible qu’en Europe. On y apprend que le capitalisme patrimonial est de nos jours plus développé en France ou en Allemagne qu’aux Etats-Unis. On y découvre, pour qui n’y aurait pas pensé, que le patrimoine public en France, malgré son importance aux yeux des investisseurs, est quasi nul (les dettes publiques étant à peu près du même montant). Etc.

Mais le livre ne se contente pas de compiler des données. Il définit une problématique, énonce une thèse centrale, la confronte aux faits, expose une tendance pour le 21° siècle, et cherche des solutions. Selon l’auteur, sans une régulation (fiscale), le « capitalisme », s’il ne conduit pas à l’apocalypse, comme Marx est censé le penser, devient néanmoins incompatible avec la démocratie, car cette dernière est antinomique avec la ploutocratie et ne peut reposer que sur la méritocratie. Avant d’entrer dans le détail, il faut commencer par exposer la thèse centrale du livre.

 

 

La contradiction fondamentale du capitalisme selon Thomas Piketty

 

On peut résumer ainsi la thèse de Piketty, ainsi qu’il le fait à mainte reprise dans son ouvrage : si le rendement du capital est supérieur au taux de croissance de l’économie, ce dernier fait boule de neige, car « les patrimoines issus du passé se recapitalisent plus vite que le rythme de la production et des salaires […]. Le passé dévore l’avenir »[2].

Il faut préciser ici que pour l’auteur le capital est assimilé à ce qu’il vaudrait mieux appeler les biens capitaux, en fait tout ce qui rapporte de l’argent, donc non seulement le capital engagé dans la production, mais aussi l’immobilier d’habitation (qui est d’un volume approximativement égal à ce dernier), la terre, les œuvres d’art etc.. Par suite le « rendement du capital » ne se limite nullement au profit d’entreprise. J’y reviendrai longuement plus loin. Par choix délibéré donc, Piketty reprend la notion du capital qu’on trouve dans le langage courant, et aussi la conception néo-classique du capital comme actif quelconque, qui serait rémunéré à sa productivité marginale (le prix de la dernière unité utile d’un bien). Le capital, c’est donc le patrimoine. Quant au taux de croissance, Piketty le décompose à juste titre entre la croissance de la population et la croissance du produit national par tête, ce qui est bien plus pertinent que la croissance tout court, car cela tient compte de l’évolution de la population – un facteur démographique trop souvent négligé[3]. Il apparaîtra ainsi, par exemple, que le taux de croissance de l’économie états-unienne n’est plus élevé que celui des principaux pays européens que parce que la démographie y est plus dynamique.

Revenons sur la loi fondamentale du capitalisme, pour y ajouter une précision : la valeur du patrimoine (calculée en années de revenu national) est d’autant plus élevée que le taux d’épargne est important et que le taux de croissance est faible. Et voyons comment cette loi se décline.

Si le taux de rendement du capital était inférieur au taux de croissance (par exemple de 1% pour une croissance de 2%), cela « tuerait le moteur de l’accumulation »[4], car les capitalistes verraient leur rente sans cesse diminuer et n’investiraient plus assez. Si le taux de rendement du capital était égal au taux de croissance de l’économie, ils devraient investir tous leurs revenus (soit un taux d’épargne de 100%) pour que leur capital progresse au même rythme que l’économie, et donc ne rien consommer, afin de maintenir leur position sociale. Ce qui pourrait se produire si le capital déjà accumulé représentait une masse si considérable (20 ou 30 années de revenu national) qu’il ne rapporterait plus grand-chose[5].

Voilà qui est pourtant difficile à comprendre. Par exemple, si le taux de rendement du capital (pour un taux d’épargne x) est de 5% environ, et si le volume du capital accumulé représente 6 années de revenu national, cela signifie que la part du capital dans le revenu national est de 30% (5% x 6). Si maintenant le taux de rendement du capital était de 2% (pour le même taux d’épargne), le rythme de croissance de 2%, et le volume accumulé du capital de 20 années de revenu national, la part du capital dans le revenu national serait de 40% (2% x 20). Mais qu’est-ce qui empêcherait le capital de rapporter ces 2% ? Le fait que sa productivité marginale diminuerait du fait de sa surabondance, comme Piketty le soutient[6], ou le fait que la part du travail ne cesserait de diminuer ?  On va y revenir.

La conclusion de Piketty est que le taux de rendement du capital doit se maintenir au-dessus du taux de croissance pour que les capitalistes continuent à investir sans cesser de consommer. Mais y a-t-il donc un volume optimal du capital accumulé, tel que le taux de rendement du capital soit suffisant pour favoriser la croissance ? Le problème pour Piketty semble surtout de réduire la concentration de ce capital en le dispersant par une imposition progressive sur le revenu qu’il rapporte et par un impôt sur la fortune, en élargissant ainsi le champ des investisseurs privés[7], bien plus efficace selon lui qu’une puissance publique qui aurait, comme dans le système soviétique, détruit l’essentiel des patrimoines privés. Ces taxations ne devraient pas rendre trop faible le rendement après impôt du capital, car cela découragerait les investisseurs. C’est ce qui s’appellerait « réguler le capitalisme ».

Or on doit se demander maintenant si la thèse de Piketty permet de rendre compte des mouvements du capital (son taux de rendement et son rythme d’accumulation relativement au taux de croissance), et s’il est possible de réguler ainsi post festum le capitalisme.

 

Le capitalisme et son histoire selon Piketty

 

Piketty a prévenu dès l’introduction : « Cela ne m’intéresse pas de dénoncer les inégalités ou le capitalisme en tant que tel (…). Ce qui m’intéresse, c’est de tenter de contribuer, modestement, à déterminer les modes d’organisation sociale, les institutions et les politiques publiques les plus appropriées permettant de mettre en place réellement et efficacement une société juste (…)[8] ». Mais de quel capitalisme s’agit-il? Remarquons d’abord que la définition donnée du capital comme synonyme de patrimoine peut s’appliquer à n’importe quel système social patrimonial, aussi bien à la société d’Ancien Régime et à sa détention privative de la terre entre les mains de l’aristocratie et de l’Eglise qu’à d’autres formes privées de possession des moyens de production. La régulation (par l’impôt) vaudrait de même pour n’importe quel système de propriété privée ou même publique. Ceci dit, c’est le capitalisme qui l’a développée à partir de la fin du X1X° siècle.

Mais le capitalisme a connu une deuxième régulation politique, qui va également jouer sur l’accumulation des capitaux. Celle-ci est, on l’a vu, un phénomène « mécanique » entraînant une inégalité croissante. C’est là l’effet de la divergence entre le taux de rendement du capital et le taux de croissance. Elle serait encore plus forte, dit Piketty, s’il n’existait pas une « force de convergence », à savoir la diffusion des connaissances et l’élévation des qualifications, qui jouent en faveur des salaires. C’est ici qu’intervient la régulation par l’Etat social, car c’est lui qui assure le mieux pour Piketty la promotion de l’éducation. Cependant cette force de convergence n’est pas suffisante pour équilibrer la dynamique des patrimoines, renforcée par l’héritage, contrairement à ce qu’ont cru des historiens optimistes de l’économie. La double régulation politique, fiscale et sociale, a seulement modéré le rythme de l’accumulation et la progression des inégalités.

Mais ceci n’explique pas la chute de la richesse patrimoniale après 1920 (où elle représentait 6-7 années de revenu national). Ce  sont de grands accidents historiques qui ont, selon l’auteur, ralenti à ce point le phénomène de l’accumulation : les guerres mondiales, les révolutions et la décolonisation ont détruit de grandes quantités de capitaux, l’épargne privée a été drainée par les Etats en guerre et rongée par l’inflation, enfin le « nouveau contexte politique de propriété mixte et régulée de l’après-guerre » a fait chuter le prix des actifs[9]. Le mouvement a ensuite repris son cours, la richesse patrimoniale remontant à partir de 1950 pour atteindre aujourd’hui les 5-6 années de revenu national.

On le voit, l’auteur se garde de mésestimer les facteurs institutionnels et politiques (il se réclame d’une économie politique, contre l’économisme des économistes), mais ces derniers viennent en quelque sorte modifier le mécanisme de l’accumulation. Or, c’est ce mécanisme lui-même qu’il faut interroger. Qu’est-ce qui fait que le capital s’accumule, que son rendement est généralement supérieur au taux de croissance, et que, dans la valeur ajoutée chaque année, il se taille la part du lion ? Ce n’est pas en raisonnant à partir de la productivité marginale des facteurs qu’on peut le comprendre, car cette productivité, si tant est qu’elle soit calculable, n’est pas indépendante du mode de propriété de ces facteurs, et du rapport de force qui en résulte (Adam Smith le savait déjà). Force est ici de reconnaître que l’analyse marxiste a un bien plus grand pouvoir explicatif, et qu’elle éclaire mieux l’histoire contemporaine du capitalisme. Et voici pourquoi.

 

Qu’est-ce donc que le capital et sa dynamique ?

 

Si Thomas Piketty avait bien lu Le Capital de Marx, il ne lui aurait pas fait dire que le capital peut « s’accumuler sans limite »[10]. Bien au contraire le capitalisme voit son taux de profit diminuer alors même qu’il s’accumule, et cela freine l’accumulation elle-même. C’est la fameuse loi marxienne de la baisse tendancielle du taux de profit, que Piketty n’ignore pas, mais qui reposerait selon lui sur une erreur : le taux de profit baisserait effectivement si le capital ne faisait que s’accroître en volume, alors que « c’est la croissance permanente de la productivité et de la population qui permet d’équilibrer l’addition permanente de nouvelles unités de capital (…) Faute de quoi les capitalistes creusent effectivement leur propre tombe »[11]. Or non seulement Marx n’ignore pas la croissance de la productivité, mais encore c’est sur elle qu’il fonde son analyse. Mais, avant de l’expliquer, il faut revenir sur le concept même de capital.

Si l’on veut comprendre en profondeur la dynamique de l’économie, il faut, en suivant Marx, penser le capital non comme une masse de biens, mais comme tout ce qui met en mouvement du travail, dans l’industrie comme dans d’autres secteurs, et qui ainsi produit une richesse nouvelle, une valeur ajoutée. Le locataire d’un appartement ne crée aucune valeur d’usage nouvelle ni donc aucune valeur, il ne fait que consommer un bien, payant un prix pour l’usage de ce bien. Le propriétaire d’une terre ne peut la valoriser que s’il y travaille, ou que s’il utilise le travail d’un tenancier pour lui extorquer une rente ou  paie un salaire à un ouvrier agricole pour la cultiver (il devient alors un capitaliste agraire). Le détenteur d’argent ne peut en tirer un revenu que s’il le prête (crédit ou obligation) à un entrepreneur ou le met à sa disposition (souscription d’une action). Le propriétaire d’une œuvre d’art ne la modifie pas par un travail quelconque, il ne fait qu’en consommer l’usage ou la revendre en fonction de sa rareté, sur laquelle il peut spéculer. Etc. Bref tous ces biens ne sont pas des capitaux productifs, et, s’ils rapportent de l’argent, c’est que de la valeur a été produite ailleurs, et ces rentes ne correspondent qu’à une redistribution des plus-values réalisées dans la production[12]. Cette redistribution est cachée quand, par exemple, le locataire paie un loyer, car la péréquation des profits entre le secteur productif et le secteur immobilier, à travers le mouvement du marché des capitaux, fait baisser le pur profit d’entreprise. Donc la dynamique du capitalisme se situe dans le processus productif (de biens ou de services), et seulement là.

Or c’est précisément parce que le progrès technique augmente la productivité du travail au sens strict (c’est-à-dire pour une même durée et une même intensité du travail) que le capital voit logiquement son profit diminuer ; non parce qu’il emploie, par exemple, plusieurs machines au lieu d’une et autant de travailleurs supplémentaires, mais parce qu’il diminue le travail nécessaire à la production (en termes marxiens, le capital constant augmente relativement au capital variable), et par suite la nouvelle valeur produite, donc, si le salaire reste constant, la part du profit. En outre la concurrence entre capitalistes accélère cette substitution du capital au travail. La grande loi de l’accumulation capitaliste ne signifie donc nullement que le capital tendrait à croître à l’infini, mais seulement qu’il se concentre en de moins en moins de mains. S’il paraît s’accumuler globalement, c’est qu’il s’empare de nouveaux secteurs relevant jusque là d’autres modes de production (notamment de l’agriculture paysanne et de l’artisanat) ou qu’il exploite des secteurs nouveaux, jusque là inexploités.

Tel est donc, selon Marx, le « mécanisme » fondamental de l’économie proprement capitaliste. Ce mécanisme est doublement caché. D’une part parce que le capital paraît engendrer de lui-même son revenu (ce que soutient l’économie néo-classique sans parvenir à le démontrer), alors qu’il puise son énergie dans le travail ; d’autre part parce que le surplus (que Marx appelle plus-value) est redistribué par le marché entre tous les biens capitaux, qu’ils soient ou non productifs de richesse réelle. C’est parce qu’il est caché que Marx oppose son économie « ésotérique » à l’économie vulgaire ou « exotérique ».

Mais ce mécanisme, qui devrait conduire à la baisse tendancielle du taux de profit, semble ne pas se vérifier dans la pratique, puisque le taux de rendement du capital, pour parler comme Piketty (et en négligeant ici la confusion qu’il fait entre capital et biens capitaux ou patrimoine) ne diminue pas sur longue période. C’est là qu’il faut retrouver l’ensemble de l’analyse marxienne, qui ne se limite pas à ce mécanisme, lequel fonctionne « comme » une loi de la nature. Et l’on va voir qu’elle permet d’expliquer bien mieux que ne le fait Piketty l’histoire contemporaine du capitalisme : le grand trou d’air du capital pendant la plus grande partie du XX° siècle et son retour en force depuis les années 80 de ce siècle.

 

Comprendre le retour en force du capitalisme

 

La croissance a toujours été faible, dit Piketty en fonction des données recueillies, « en dehors de périodes exceptionnelles et de phénomènes de rattrapage[13]. Après les Trente glorieuses elle a retrouvé son rythme normal. Or il est peu convaincant que les 5% de cette période s’expliquent uniquement par la reconstruction d’après guerre et le rattrapage des Etats-Unis par les pays européens. C’est aussi une période où la démographie est dynamique et où le rapport de force est favorable au travail pour des raisons liées à la conjoncture historique – ce que Piketty ne nie d’ailleurs pas. Qu’en est-il du taux de rendement du capital, qu’il ne faut pas confondre avec le taux de profit dans les secteurs productifs, mais qui fournit une approximation de son évolution ? Il est élevé, en France et en Grande Bretagne (ce sont les deux cas détaillés dans l’étude) vers 1950 avant de décliner fortement, puis de remonter un peu après 1980 et de rechuter vingt ans plus tard[14]. Mais, comme la croissance a faibli, les patrimoines s’envolent à nouveau malgré ce rendement moyen. Que s’est-il donc passé ?  

Le taux de croissance est élevé pendant les Trente glorieuses parce que la productivité du travail est élevée : il met en mouvement beaucoup de capital. L’analyse marxiste voudrait ici que le taux de profit diminue, justement parce que la productivité du travail est forte : il faut moins de travail pour mettre en mouvement la même quantité de capital, ce qui réduit la source de la plus-value. Comment expliquer alors que le taux de profit soit élevé pendant cette période, ce qui semble invalider la loi de la baisse tendancielle du taux de profit ? Par ceci qu’intervient « la cause qui contrecarre la loi » invoquée par Marx : le capital diminue en valeur, non seulement parce qu’il connaît une usure matérielle et une obsolescence (importante en régime de progrès technique rapide), mais encore parce la productivité élevée, notamment dans le secteur des biens d’équipement, réduit la quantité de capital nécessaire à la production. C’est ce que Marx appelle « des économies de capital constant ». A quoi il faut ajouter la forte intensité du travail liée au taylorisme, qui, à l’inverse de la productivité, augmente la quantité de travail utilisée, et par suite le profit si le salaire ne suit pas.

Pourquoi le taux de croissance et le taux de profit chutent-t-ils à partir du milieu des années 1970 ? A cause de deux mouvements de fond. Le premier est, on l’a trop oublié aujourd’hui, la crise du modèle taylorien-fordiste : les travailleurs supportent de plus en plus mal le travail commandé et en miettes, et sont moins motivés par la recherche d’une amélioration d’un niveau de vie qui s’est élevé, d’où une diminution de leur productivité, que le « management participatif » essaiera sans grand succès de relever. Le second est que le progrès technique n’est plus ce qu’il était. Dès lors la part du travail dans la valeur ajoutée diminue en même temps que sa productivité, si bien que la source du profit se réduit. La « cause qui contrecarre la loi » (l’économie de capital) n’agit plus avec la même intensité.

Comment se fait-il enfin que le taux de profit remonte fortement vers le premier tiers des années 1980, avant de descendre légèrement puis de se stabiliser ? Ici encore une analyse marxiste apparaît particulièrement pertinente, et elle n’a rien de « mécanique ». C’est très consciemment que les capitalistes engagent une série de politiques pour accroître la quantité du travail fournie : la durée du travail recommence à augmenter, son intensité aussi, tous les indicateurs le montrent. Ils réalisent aussi de fortes économies de capital à travers les méthodes de flux tendu et de la qualité totale. Ils cherchent à combattre la résistance passive des travailleurs par le management participatif. Mais, bien sûr, tout cela ne marche que si les salaires sont contenus (c’est déjà l’austérité salariale). Et ils y parviennent d’autant plus facilement que le chômage structurel est élevé (encore une « cause » invoquée par Marx pour empêcher la baisse du taux de profit : la « surpopulation relative », qui pèse sur les salaires de ceux qui ont un emploi). Mais, pour imposer cette austérité salariale, ils ont besoin de l’aide de l’Etat. C’est alors que se mettent en place les politiques néo-libérales : assurer la fluidité du marché du travail contre les réglementations existantes, diminuer le « coût du travail » en réduisant les « charges salariales », dont des cotisations qui n’étaient en fait que du salaire indirect (frais de maladie, allocations chômage) ou différé (les retraites)[15].

Ce sont toutes ces politiques qui se poursuivent aujourd’hui, avec même une vigueur accrue. Car la mondialisation a pesé sur les profits des entreprises, en sorte qu’il a fallu faire pression à nouveau sur les salaires par des délocalisations et/ou par la menace de les effectuer. Car, aussi, l’hypertrophie du secteur financier[16] a amputé l’économie réelle d’une part de ses profits.

L’analyse marxiste fournit, on le voit à travers ce bref résumé, une explication beaucoup plus fine des mouvements de la croissance et du rendement du capital. Elle réintroduit directement la lutte des classes dans ces mouvements, car les politiques managériales sont tout sauf des phénomènes mécaniques. Elle la réintroduit aussi indirectement, car la classe dominante a dû investir l’Etat pour affaiblir les institutions de l’Etat social et les moyens de résistance des salariés.

Cette offensive néo-libérale n’est pas près de s’arrêter, car la mondialisation n’est toujours pas contrôlée (en particulier dans une Union européenne ouverte à tous les vents), et le secteur financier reste fort peu régulé. Mais il y a d’autres raisons encore. La productivité du travail demeure plus faible qu’à l’époque des Trente glorieuses, ce qui freine la croissance, et ce qui fait que le capital s’accumule sans rapporter autant. Les économistes s’interrogent sur le mystère de cette baisse de la productivité, constant que la révolution des NTIC (les nouvelles techniques de l’information et de la communication) n’a pas eu les mêmes effets que les révolutions technologiques antérieures. Nous n’entrerons pas ici dans ce débat, mais, même si l’on admet que ces technologies mettront beaucoup de temps à produire leurs effets, il est probable que pour les années à venir elles ne relèveront pas beaucoup la productivité du travail. Enfin, c’est le mode de croissance lui-même qui est en crise, du fait de la multiplicité de ses externalités négatives. Et la reconversion du mode de croissance, si tant est qu’il existe les volontés politiques pour la mener à bien, demandera beaucoup de capital, ce qui tendra à faire baisser le taux de profit, et de ce fait entraînera des politiques de plus en plus sauvages à l’encontre du travail.

 

La difficulté et les limites d’une révolution fiscale

 

Le succès du livre de Thomas Piketty tient à l’implacable mise en lumière de la montée des inégalités. Elle n’a pas de quoi surprendre l’économiste marxiste : la tendance longue du capitalisme, a montré  Marx d’une façon que personne ne peut plus nier, est d’une part la centralisation du capital (au détriment des autres systèmes de production) et d’autre part sa concentration (en un nombre de plus en plus petit de mains). Certes des sociétés précapitalistes ont connu aussi des inégalités impressionnantes, mais avec des moyens de coercition beaucoup plus extra-économiques. Certes les inégalités d’aujourd’hui ne sont-elles pas, en proportion, plus élevées que celles de la Belle époque. Mais le niveau actuel est sans précédent, parce qu’il a atteint l’échelle planétaire (4,5 millions de personnes possèdent, selon Piketty, environ 20% du patrimoine mondial. Plus spectaculaire encore, la fortune des 85 milliardaires les plus riches de la planète égale celle de la moitié de l’humanité – les 3,5 milliards de personnes plus pauvres).

Y remédier par la fiscalité est cependant une voie bien difficile, étant donné la concurrence fiscale qui règne entre les pays, notamment avec et par le biais des paradis fiscaux. L’OCDE en est consciente, qui engage les pays à se mettre d’accord pour pratiquer l’échange automatique de renseignements sur les comptes financiers des individus pour contrer l’évasion fiscale (une quarantaine de pays se sont déjà entendus sur un calendrier). A supposer qu’on  parvienne, par divers moyens de rétorsion, à mettre au pas les pays récalcitrants, cela n’empêcherait pas les Etats de jouer du dumping fiscal, et les multinationales de pratiquer l’optimisation fiscale, ce qui permettrait aux plus fortunés de continuer à s’enrichir, en toute légalité. A supposer que l’optimisation fiscale soit elle-même enrayée, les pays du moins-disant fiscal continueraient à enrichir leurs propres possédants. Tout cela, Piketty le sait bien, qui voudrait que l’impôt sur la fortune soit mondial, mais doit se rabattre sur sa généralisation à l’échelle régionale, et notamment au niveau européen. Comme cette concurrence fiscale est inscrite dans les traités européens, il faudrait alors revoir ces traités - et obtenir l’accord des 28 pays qui composent l’Union. Serait-il possible d’harmoniser la fiscalité sur le capital (sur ses revenus et sur le patrimoine) au moins au niveau de la zone euro ? Il faudrait que les gouvernements de cette zone en tombent d’accord. A moins que ne soit institué un Parlement de la zone euro, où une majorité de députés adopteraient cette harmonisation, ce qui est la proposition de Piketty. Ce serait une petite révolution, mais qui ne mettrait pas fin au dumping fiscal pratiqué par les pays hors zone euro, et par le reste du monde. Le seul moyen de la combattre serait d’en revenir à une sorte de protectionnisme, en taxant les importations de tels concurrents. Mais ce serait encore un des fondements de l’actuelle Union européenne qui serait ébranlé.

Surtout la fiscalité des hauts revenus et du patrimoine rencontrera la résistance farouche de leurs détenteurs, qui pensent que de fortes inégalités sont propices au développement économique et qu’on ne saurait toucher au bonheur dont ils jouissent[17]. Les hauts dirigeants des grandes entreprises se persuadent et cherchent à faire accroire qu’ils méritent leurs hauts salaires et leur fortune par l’exceptionnalité de leurs talents, qui feraient d’eux les vrais créateurs de richesse. Bien sûr, cette prétention est non seulement invérifiable (il serait bien impossible, dit Piketty, de déterminer leur « productivité marginale », justement parce qu’ils sont au sein des entreprises dans des situations d’exception), mais encore infondée. En réalité le seul mérite que l’on puisse attribuer à ces entrepreneurs qui ont si bien réussi est d’avoir pris des responsabilités gestionnaires, généralement avec de l’argent emprunté, et d’avoir eu du flair, d’avoir découvert une opportunité de marché avant les autres. Car les vrais innovateurs restent généralement dans l’ombre. Ce n’est pas Bill Gates qui a découvert l’informatique, note avec ironie Piketty. Mais il sera très difficile à faire admettre à ces très riches qu’ils ne sont pas géniaux, et même aux moins riches qu’ils ne méritent pas leurs revenus. L’impôt sur les revenus, qui est monté à des niveaux confiscatoires sous la présidence Roosevelt (mais c’était dans une situation de crise extrême, puis de guerre) aurait cet avantage, assure Piketty, qu’il découragerait les hauts dirigeants de se faire accorder des salaires exorbitants, puisque ces salaires seraient fortement rabotés. On peut en douter, car c’est aussi pour eux affaire de prestige. Quant aux simples détenteurs de capitaux (les investisseurs), ils peuvent toujours se vanter d’avoir fait les bons placements, mais le mérite généralement en revient à des agents spécialisés qu’ils paient (grassement) à cet effet. Ils ne s’en croient pas moins légitimés à percevoir leurs rentes. Une autre manière de réduire les inégalités de fortune serait de taxer lourdement l’héritage, ce qui limiterait la concentration des patrimoines. Mais elle se heurte à de plus fortes résistances encore que l’impôt sur le revenu, car elle touche au désir de se perpétuer à travers ses enfants[18].

En réalité la seule manière vraiment efficace de réduire les inégalités est d’agir sur la répartition primaire (avant impôt) des revenus. Réduire les gains en salaires et autres bénéfices (stock options, retraites chapeau etc.) ne casserait très probablement pas la motivation des  vrais entrepreneurs, car ce qui les pousse c’est d’abord le goût de l’action et du pouvoir. A quoi il faut ajouter qu’il n’existe pas de véritable marché des dirigeants d’entreprises (on a plutôt affaire à un système de cooptations), lequel ferait chuter leurs rémunérations (Marx pensait qu’ils seraient payés dans ce cas à la valeur de leur force de travail). Mais fixer des plafonds pour les rémunérations (comme on a pu le faire pour les dirigeants d’entreprises publiques) ou instituer une grille salariale (comme dans la fonction publique) ou toute autre méthode sont impossibles en économie capitaliste privée. De même, on pourra réguler la finance autant que l’on voudra, on ne saurait, en économie libérale, limiter, avant impôt, les revenus des investisseurs (dividendes, intérêts, plus-values etc.). Il faudrait changer de système économique.

Piketty n’y fait qu’une rapide allusion à la fin de son ouvrage, lorsqu’il parle « de nouvelles formes de propriété partagée, intermédiaire entre propriété publique et propriété privée, qui est l’un des grands enjeux de l’avenir »[19], ce qui peut signifier bien des choses (propriété des actionnaires avec des pouvoirs concédés aux autres « stake holders », nouvelles formes de propriété publique, coopératives etc.). Mais c’est en effet bien là le fond du problème. Et cela nous conduit à la question de la démocratie.

 

La démocratie n’est pas la méritocratie

 

La méritocratie[20] ne serait qu’une nouvelle forme d’aristocratie (étymologiquement : le gouvernement par les meilleurs), tandis que l’idéal de la démocratie, son point omega, c’est le pouvoir de tous les citoyens, qui ne consiste pas seulement à se faire représenter et diriger par les plus capables ou présumés tels.

D’abord il faudrait que ces derniers puissent aisément émerger du peuple. Or, on le sait, ils tendent à se reproduire, c’est-à-dire à se transmettre leur héritage culturel et relationnel, si bien que l’égalité des chances, même dans un monde où l’héritage matériel disparaitrait, ou serait réduit à peu de chose par de très lourds droits de succession, est impossible à réaliser, quels que soient les efforts de l’école «républicaine ». Il ne faut pas oublier non plus l’importance de l’endogamie sociale. Tout cela fait que les compétents tendent à vivre en cercle fermé et à se couper des préoccupations et des besoins du peuple. On le note particulièrement aujourd’hui dans notre pays, où les élites mondialisées, vivant dans les grandes métropoles, avec tout un entourage de fonctionnaires, de travailleurs des services, et de personnels de maison, ont perdu le contact avec les ouvriers, employés, cultivateurs et petits entrepreneurs relégués à la périphérie, celle des villages et des petites et moyennes villes[21]. Si les élites ne devaient plus leur statut à l’importance de leurs moyens financiers, cela ne changerait pas profondément cette fracture sociale. Si les cadres n’étaient plus ces super-cadres de la société actuelle dont parle Piketty, ils n’en resteraient pas moins jaloux de leurs intérêts et centrés sur elles-mêmes.

Ensuite il ne suffit pas de pouvoir élire régulièrement, ni même de pouvoir révoquer, de bons représentants, qui deviendraient, par l’entremise des partis, des professionnels de la politique. Il faudrait encore que les électeurs aient eux-mêmes un bagage suffisant pour les désigner en connaissance de cause et pour juger adéquatement leurs actions. Ce devrait être le rôle de l’école et de bons médias. Mais c’est  le développement de la démocratie économique qui y aiderait puissamment.

Enfin il reste que c’est à tout un chacun d’apprécier les effets sur sa vie des choix politiques. Où l’on retrouve la question de la démocratie directe. Il n’est pas évident que le tirage au sort des responsables, pratiqué par les Anciens Grecs, soit la solution en raison du bagage et de la compétence requis, même s’il peut jouer un rôle. En revanche les procédures référendaires, sous certaines conditions, et sur les sujets les plus importants, semblent absolument requises. Et, au quotidien, celles de la démocratie participative sont le moyen pour que les citoyens gardent toujours leur mot à dire.

On est donc bien loin du compte avec la démocratie méritocratique.

 

Une petite conclusion

 

L’ouvrage de Thomas Piketty, qui fera désormais référence pour la richesse et la solidité de ses données, nous confirme ce que l’on savait déjà, mais sans autant de précision, à savoir que le capitalisme produit des inégalités cumulatives, et qu’elles finissent par être complètement antinomiques avec un fonctionnement réel de la démocratie. Sa valeur empirique nous semble incontestable, ce dont il nous était impossible de rendre compte ici. Mais sa valeur explicative est limitée.

Une première question est de savoir quelle est l’interaction entre le taux de croissance et le taux de rendement du capital. Le taux de croissance dépend de la croissance de la population et de la productivité du travail. Or d’une part la productivité du travail ne joue sur la croissance que dans le secteur productif, dans l’économie réelle, et d’autre part l’élévation de la productivité tend à faire baisser le rendement du capital : c’est ce que nous avons voulu rappeler en suivant Marx. Il faudra alors, pour le relever, non seulement faire des économies de capital, mais encore, pour les capitalistes, grâce au pouvoir que leur confère la propriété, mener des actions résolues pour à la fois accroître la quantité de travail fournie et freiner les salaires. Piketty voulait faire une économie politique, mais son économie reste très peu politique, dans un sens large du terme.

Une deuxième question est de savoir ce qui lie le taux d’épargne au taux de rendement du capital, sans se contenter de dire que le premier détermine le second. Or le bon niveau de rendement du capital est celui qui favorise l’investissement, mais d’une part les riches consomment une bonne partie de leurs revenus en dépenses somptuaires au lieu d’investir, et d’autre part, en même temps, ils épargnent beaucoup plus que les autres, classes moyennes et surtout classes populaires, ce qui tarit l’investissement, donc la croissance. Ici encore l’économie de Piketty est trop peu politique. Une société très inégalitaire n’est pas favorable à la croissance (bonne ou mauvaise, c’est une autre question).

Les variations du taux de croissance dépendent certes de facteurs technologiques et d’évènements politiques, mais aussi de la nature du système politique. La forte croissance des Trente glorieuses n’est pas seulement liée à un processus de rattrapage, mais encore à une politique étatique volontariste, d’autant plus efficace que l’Etat a entre les mains des leviers de commande. On peut dire la même chose de la Chine aujourd’hui : si son taux de croissance est aussi élevé, supérieur à celui des autres pays émergents, c’est que l’Etat « met le paquet ». Ici encore, donc, l’économie de Piketty est trop peu politique.

Dès lors la politique fiscale préconisée par Piketty, non seulement risque de se heurter à des blocages politiques, mais encore laisse inchangée la base d’un système (le système capitaliste) qui produit, à travers le pouvoir de domination conféré par la propriété privée du capital, des inégalités qui brident constamment la croissance (le gâteau à partager), qui produit même de la croissance négative (si l’on en défalque tous les coûts sociaux et environnementaux), et qui enfin distord la démocratie au service des puissants.

 

 

 

 

 



[1] Voilà qui conforte la thèse des décroissants. Mais on peut penser que, dans les décennies à venir, la croissance (pas n’importe laquelle) est souhaitable pour sortir la plus grande partie de l’humanité de la misère, ce qui est possible s’il est vrai que la démographie mondiale est en voie de se stabiliser.

[2] Thomas Piketty, Le capital au XXI° siècle, Editions du Seuil, p. 942.

[3] Cf. ibidem, p. 127.

[4] Ibidem, p. 943.

[5] Cf. ibidem, p. 925.

[6] Ibidem, p. 925.

[7] Il y a bien eu au XX° siècle une certaine dispersion, avec la constitution d’une classe moyenne patrimoniale. Mais « elle n’a arraché que quelques miettes : guère plus d’un tiers du patrimoine en Europe, et à peine un quart aux Etats-Unis » (ibidem, P. 411).

[8] Ibidem, p. 62.

[9] Ibidem, p. 233.

[10] Ibidem, p. 27.

[11] Ibidem, p. 362.

[12] Un argument similaire est développé par David Harvey dans un texte Afterthoughts on Piketty’s Capital (davidharvey.org), mais de manière très circonstancielle : « L’argent, la terre, l’immobilier, les locaux et équipements qui ne sont  pas utilisés productivement ne sont pas du capital. Si le taux de rendement du capital qui a été pratiqué est élevé, c’est parce qu’une partie du capital est retirée de la circulation et se trouve faire grève. Restreindre l’offre de capital pour des investissements nouveaux (un phénomène que l’on observe actuellement) assure un haut niveau de rendement sur ce capital qui est en circulation ». Il y aurait là « création d’une rareté artificielle », qui relèverait le taux de profit, comme le ferait une économie de capital constant. Mais le processus fondamental est le déplacement de capitaux vers le secteur improductif, qui est simplement l’œuvre du marché des biens capitaux.

[13] Ibidem, p.125.

[14] Cf. ibidem, p. 318.

[15] J’ai développé bien plus longuement, à la suite d’autres auteurs, cette analyse dans un article de 1999 « Une explication marxiste. Quelques éléments d’interprétation de la crise des économies capitalistes développées », que j’ai repris dans mon blog.

[16] Une hypertrophie qui s’explique en partie par la baisse de la demande des classes populaires suite à la déflation salariale, baisse qui n’a pu être contenue que par une expansion sans frein du crédit.

[17] Il est surprenant que Thomas Piketty ne fasse aucune référence à un ouvrage capital, appuyé sur des statistiques imparables : Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, de Richard Wilkinson et Kate Picket (Editions Les petits matins pour la traduction française, 2013). Pour tous donc, y compris pour les plus riches, notamment en termes de santé physique et mentale et d’éducation.

[18] Cette opposition à la redistribution fiscale est très atténuée dans des sociétés égalitaristes, comme les pays scandinaves, particulièrement au Danemark où de forts taux d’imposition sont acceptés comme contrepartie d’un modèle social très protecteur, d’autant plus que le prélèvement s’opère à la source.

[19] Piketty, op. cit. p. 945.

[20] La méritocratie comme principe de justice sociale est très contestable : outre qu’il est impossible de faire la part du talent involontaire et de celle de l’effort, elle repose sur la compétition entre les individus et sur le succès des uns et l’échec des autres. Mais ici le problème posé est politique : faut-il, pour assurer l’efficacité de l’action publique, la confier  aux compétents ?

[21] Cf. la remarquable étude de Christophe Guilluy, La France pérphérique, Comment on a sacrifié les classes populaires, Editions Flammarion, 2014.

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