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Le blog de Tony Andreani
27 janvier 2011

Crises et dettes en Europe

Manifeste d’économistes atterrés

 

 

Crise et dettes en Europe : 10 fausses évidences, 22 mesures en débat pour sortir de l’impasse

 (Editions Les liens qui libèrent, 2010)

 

Ce manifeste est à coup sûr une initiative politique importante, et l’on doit absolument lire ce petit livre, déjà adopté par 700 économistes français, représentant, à considérer les signatures, un large spectre de la profession (il est tout aussi intéressant de noter les absents parmi les vedettes de la discipline).

La critique des fausses évidences, qui sont colportées par le discours politique (pas seulement à droite) et qui courent les médias, est forte, d’autant plus qu’elle est menée avec la plus grande sobriété. Les 22 mesures ont été manifestement pesées au trébuchet. On peut dire qu’elles vont bien dans le sens d’une véritable régulation du capitalisme européen, ce qui implique une réforme profonde des institutions de l’Union.

 

Je pense néanmoins qu’elles ne vont pas toujours assez loin. J’imagine bien qu’il fallait mettre d’accord les signataires sur une plate-forme commune. Mais, si l’on veut changer de capitalisme, nombre des mesures préconisées paraissent bien timides. Quelques exemples.

S’agissant des banques, on pourrait certes leur interdire de spéculer pour leur compte propre, mais comment cloisonner efficacement leurs activités ? La meilleure solution serait ici de revenir à une séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires. Et, si l’on veut contrôler leurs activités, la nationalisation (sous une forme nouvelle) semble bien s’imposer, vu le rôle central qu’elles jouent dans l’économie (elles fournissent un véritable bien public).

Le Manifeste propose de réduire la liquidité et la spéculation par des contrôles des mouvements de capitaux et par une taxe sur les transactions financières. Mais de quels contrôles s’agit-il ? Et, de toute façon, de telles mesures paraissent bien insuffisantes pour réduire la liquidité, et notamment pour assurer une stabilité de l’actionnariat.

Le Manifeste propose d’exiger des agences de notation un calcul économique transparent. Mais comment s’assurer de la transparence sans dépêcher des inspecteurs ? A ce compte ne vaudrait-il pas mieux une (ou des) agences publiques ?

Je m’arrêterai à ces exemples, et mon intention n’est pas ici de me mêler à une discussion sur la bonne alternative, ou l’alternative la plus réaliste, au capitalisme néo-libéral qui sévit en Europe. La question que pose Le Manifeste, puisqu’il vise à sortir l’Union européenne de l’impasse où elle s’est enfermée, est : comment faire ?

 

Car, si certaines mesures peuvent être prises à l’échelon national (accroître le caractère redistributif de la fiscalité, renforcer les contre-pouvoirs dans l’entreprise etc.), d’autres sont en contradiction totale avec le Traité de Lisbonne. C’est le cas, en particulier, de la proposition d’autoriser la BCE à financer directement les Etats (à un faible taux d’intérêt), ou de la négociation d’accords concernant les mouvements de marchandises et de capitaux avec le reste du monde. Elles imposent donc une renégociation de ce Traité.

D’autres propositions vont dans le sens d’une plus forte intégration : coordination des politiques macro-économiques pour réduire les déficits commerciaux de certains pays (car les excédents des uns font les déficits des autres), harmonisation vers le haut des politiques fiscales et sociales, instauration d’une fiscalité européenne et accroissement du budget européen (pour compenser les déséquilibres entre pays). Ces propositions ne sont pas antinomiques avec le Traité de Lisbonne, mais elles sont en totale opposition avec ce que l’Union européenne a toujours été dans une certaine mesure et à ce qu’elle est devenue : le lieu d’une guerre économique entre les Etats. On le voit bien aujourd’hui : la crise de l’euro (le seul réel trait d’union en matière économique, avec la politique agricole) n’a pas suffi à convaincre les dirigeants européens d’avancer résolument en ce sens. En outre, un tel effort d’intégration n’a aucun répondant du côté des institutions politiques – si l’on excepte un rôle un peu plus actif du Parlement européen, par ailleurs si peu représentatif des citoyens de l’Union (il suffit de noter leur taux d’abstention aux élections européennes). Donc ces mesures prônent une intégration dont aucun gouvernement actuel ne veut, et surtout pas le gouvernement allemand.

Les signataires du Manifeste abordent la question de la faisabilité de leurs propositions dans la conclusion : « Il n’est évidemment pas réaliste d’imaginer que 27 pays décideront en même temps d’opérer une telle rupture dans la méthode et les objectifs de la construction européenne ». Ils estiment que quelques pays pourraient prendre des initiatives, s’engager dans des coopérations renforcées, et ensuite tendre la main aux autres pays pour qu’ils rejoignent le mouvement. Mais, que faudrait-il pour cela ? Il faudrait que des gauches, convaincues de la nécessité de ce nouveau cours, arrivent au pouvoir dans quelques grands pays. Autant dire que le chemin reste long, alors que la crise européenne ne cesse de s’aggraver. A commencer par la crise de l’euro, que tous les fonds de stabilisation envisagés seront bien incapables d’enrayer. Les signataires du Manifeste en sont conscients, puisqu’ils n’excluent pas que cette crise mène à l’éclatement de la zone euro (et proposent, dans ce cas, de se rabattre sur une monnaie commune de type bancor).

Sarkozy et Merkel semblent s’être entendus pour réviser un seul article du Traité de Lisbonne, mais tout en sachant que cela prendra des années, car le processus de révision et de ratification par 27 Etats est extrêmement long et compliqué. Dès lors y a-t-il une autre issue que de cesser tout simplement d’appliquer certaines dispositions de ce Traité, en adoptant une stratégie, fût-elle unilatérale, de « désobéissance » active ? Autrement dit d’accélérer une crise au lieu de la laisser couver jusqu’à ce que le malade soit impossible à traiter ?

 

 

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