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Le blog de Tony Andreani
19 décembre 2010

Trois récits sur la finance

 

 

Petit voyage intellectuel au centre de la finance

 

 

On a beau lire sur le monde de la finance des manuels, des ouvrages d’économistes avertis et critiques, des articles intelligents, tout cela reste abstrait. C’est ce qui m’a poussé, moi qui n’ai jamais boursicoté, et encore moins mis les pieds dans une salle de marché, à regarder du côté de la littérature et de l’enquête journalistique, et j’ai acheté un peu au hasard trois livres qui en traitaient. J’ai dû bien tomber, car les trois ouvrages en question sont captivants, et de plus excellemment écrits. Voici quelques impressions et réflexions qu’ils m’ont inspirés.

 

Les voltigeurs du capital-argent

 

Vous avez sans doute vu, comme moi, des reportages ou des films de fiction sur ces  grands opérateurs des marchés financiers que sont les banques d’affaires, vous avez aperçu des images de ces salles de marché où, depuis la disparition de la corbeille, des traders scrutent des écrans d’ordinateur et sont pendus à plusieurs téléphones, vous avez peut-être lu certains de leurs témoignages qui ont fait des succès de librairie. Mais je vous conseille la lecture de City boy, Confession d’un trader repenti, de Geraint Anderson (Pocket, 2008). Outre le fait que le livre est d’une drôlerie irrésistible (et de surcroît excellemment traduit par un parfait connaisseur de notre langue verte), il est une mine de renseignements sur l’activité ordinaire des agioteurs de la City et sur leurs mœurs.

Ce qui m’a frappé le plus, c’est que toute cette activité repose sur la capture et la manipulation de l’information financière. Le héros du livre (une autobiographie déguisée) est d’abord courtier, vendeur de bons tuyaux à de gros clients qui souhaitent investir dans des titres divers, puis devient un analyste spécialisé. Il va chercher, entre autres sources, de l’information auprès de dirigeants d’entreprises qui, lors de conférences faites à l’intention de ces intermédiaires, arrangent volontiers les comptes pour leur faire émettre des recommandations favorables - surtout au moment où ils souhaitent faire monter les cours pour réaliser au plus haut leurs stock-options. Evidemment nos intermédiaires ne sont pas dupes, mais cela leur sert à rédiger des notes positives sur ces entreprises, ce qui peut en faire des clients de la banque, et une nouvelle source d’information, qui sera utilisée cette fois pour convaincre leurs propres clients, les gérants de fonds, qu’ils prendront soin par ailleurs de s’attacher par toutes sortes de bons offices, tels que les invitations dans les restaurants les plus chers ou dans les clubs privés les plus huppés (ou les plus scabreux). Plus ces clients les chargeront d’opérations de courtage, plus la banque y gagnera, et plus leur bonus grandiront. Ceci n’est qu’un exemple

Au passage on notera l’osmose entre l’activité de prêt de la banque et son activité de banque d’affaires : on ne va pas émettre un jugement négatif sur un client auquel on a beaucoup prêté (le lecteur se souviendra ici des scandales Enron, Tyco, Worldcom).

On découvre aussi bien des choses sur le fonctionnement de ces hedge funds (fonds spéculatifs) que la banque a aidés à monter, à condition d’être leur principal intermédiaire ou qu’elle a créés en son propre sein (en les faisant bénéficier de toutes les informations qu’elle a recueillies). Le hedge fund pratique notamment la vente à découvert, c’est-à-dire qu’il emprunte un titre à un fonds traditionnel pour le vendre puis le racheter quand le cours a baissé et le restituer enfin à ce fonds, en encaissant au passage une belle plus-value. Or, pour réaliser un tel tour de magie, il faut avoir influencé le marché. On apprend dans ce livre que les hedge funds lancent des bobards par le canal de sites internet informels d’investisseurs et de forums. On est passé là de la manipulation de l’information à l’intox. Nous voici donc dans un monde bruissant de rumeurs, où tout l’art est de mentir le mieux et de deviner qui ment le mieux.

Bref la salle de marché et la banque dans son entier sont le théâtre d’un vaste délit d’initié, en principe interdit mais finalement couvert, et qu’aucun régulateur ne parviendra facilement à démêler. En effet, pour peu qu’on y réfléchisse, cette pratique est au ressort même d’un marché financier : comment arriver à vendre (ou à acheter) si l’on ne trouve pas un acheteur (ou un vendeur) moins bien informé que soi, et comment ne pas tout faire pour se procurer cette information ou pour la biaiser ? Qui a dit que l’avantage des marchés financiers est qu’ils sont les bons juges de l’efficacité des entreprises parce qu’ils dispensent aux investisseurs une information objective ?

La psychologie des City Boys est décrite avec une précision clinique dans ce livre. Disons qu’elle illustre l’ethos néo-libéral parvenu à son apogée : se défoncer au travail (le trader s’use vite), se faire valoir par tous les moyens (on se souviendra ici de Jérôme Kerviel), être le plus compétitif (il existe, apprenons nous, un classement des équipes par les clients des banques, scruté avec angoisse par tous les traders), faire fortune pendant le minimum de temps et le montrer par tous les signes de richesse possibles, s’éclater après le travail par toutes les jouissances instantanées possibles (la drogue, les partouzes), loin d’une famille pour laquelle on dit travailler et où l’on s’ennuie. Toutes les valeurs bourgeoises traditionnelles ont été jetées par-dessus les moulins, car la réussite n’a pas de prix.

Dans les armées d’autrefois il y avait les chefs qui commandaient, les fantassins qui risquaient leur peau dans le corps à corps, et puis des escadrons de tirailleurs chargés de faire le feu en première ligne avant de se retirer : les voltigeurs. La finance moderne a trouvé ses propres voltigeurs.

 

L’aristocratie du capital-argent : Goldmann Sachs

 

Dans l’Ancien Régime le Roi était le détenteur suprême du pouvoir, car il incarnait le sommet de la hiérarchie nobiliaire et s’affirmait de droit divin. Mais ce pouvoir absolu était en réalité très dépendant de ses ministres, conseillers et grands collecteurs d’impôt. Dans les démocraties la souveraineté vient théoriquement du peuple, mais le gouvernement est d’abord le « chargé d’affaires de la bourgeoisie », pour reprendre une formule de Marx (on notera que nos derniers ministres de l’économie ont tous été des chefs d’entreprise). Or depuis que les marchés des capitaux ont été largement ouverts, il s’est mis sous la coupe d’une aristocratie financière internationalisée, les grandes banques d’investissement, et, mieux encore, l’aristocratie de ces grandes banques. A présent que la crise a fait le ménage, on peut désigner les membres de cette aristocratie de l’argent, qui a fait de son mieux pour pousser les gouvernements à éliminer ses concurrents : ce sont J.P. Morgan (Etats-Unis), Barclays (Grande Bretagne), Crédit Suisse, Deutsch Bank, enfin et surtout Goldman Sachs. Un sacré oligopole.

Un excellent livre, La Banque, Comment Glodman Sachs dirige le monde, de Marc Roche, nous dévoile le pouvoir de l’ombre de cette dernière.

Comment cette banque new-yorkaise est-elle devenue un si grand manitou ? En devenant le grand opérateur mondial du capitalisme financiarisé. J’avais pendant longtemps fixé mon attention sur les « zinzins », ces investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurances, fonds mutuels, fondations et même universités) devenus les propriétaires des multinationales, et je continue à penser qu’ils sont bien le cœur du capitalisme financiarisé (c’est-à-dire axé sur le marché des actions, des obligations et des produits dérivés). Mais ce que je n’avais pas bien vu, c’est que 1° les grandes banques sont aussi des zinzins (dans la mesure où elles font du négoce en fonds propres), et surtout que 2° les zinzins en passent par elles nécessairement pour toutes leurs opérations : achat et vente de titres, bien sûr, mais aussi restructurations, acquisitions et fusions. Goldman Sachs est un champion en la matière - et elle encaisse à chaque fois des montagnes de commissions. Ce que je n’avais pas bien saisi non plus, c’est que cette banque est aussi l’opérateur préféré des Etats convertis au néo-libéralisme. Quand ceux-ci émettent des titres du Trésor, ils s’adressent à elle (parmi d’autres : elle est l’un des 18 spécialistes qui vendent de la dette d’Etat française) ; quand il se lancent dans des privatisations, elle est leur conseil privilégié, forte d’une expertise appuyée sur une cohorte de techniciens de haut vol, notamment financiers et juristes (ils connaissent par exemple sur le bout des doigts les législations de tous les pays). A qui s’est adressé le gouvernement de la RFA pour privatiser les entreprises de l’ex-RDA ? A Goldman Sachs. A qui s’est adressée la Chine, lorsqu’elle a ouvert (partiellement) le capital de ses entreprises publiques (dont ses grandes banques) ? A Goldman Sachs.

Pour devenir ce courtier et ce conseiller privilégiés, Goldman Sachs a placé ses hauts cadres dans tous les centres du pouvoir gouvernemental : on les a retrouvés, pour les plus connus, au Secrétariat du Trésor américain (Robert Rubin sous Clinton, Henri Paulson sous Bush) et à la Commission européenne (Romano Prodi, Mario Monti). En fait cette franc-maçonnerie, de manière plus discrète, est partout, jusqu’à la Banque nationale de Grèce (Petros Christodoulos est responsable de l’agence de la dette grecque…) et jusque dans le conseil du Fonds souverain chinois (John Thornton). Elle dispose d’une armée de lobbyistes à Bruxelles. Elle a des informateurs partout, notamment dans les banques centrales, dont elle peut anticiper les décisions. Vous avez dit conflits d’intérêt ?

Car Goldman Sachs joue avant tout son propre jeu. On l’a bien vu avec la crise grecque, et cela a fini par scandaliser : elle a conseillé l’ancien gouvernement grec pour dissimuler une partie de sa dette, mais en même temps elle a fait de l’argent en vendant des produits de couverture de cette dette. Puis elle a tenté d’empêcher un sauvetage de l’Etat grec, car il aurait fait monter l’euro, au moment où elle jouait l’euro à la baisse. Elle a pu également conseiller à ses clients d’acheter certains titres, au moment où elle-même se débarrassait de ceux qu’elle possédait. La « banque au service de ses clients » est une maîtresse du double jeu.

J’ai, ailleurs, résumé ma critique des marchés financiers (versus le financement par le crédit) en cinq points : ils sont injustes (jusqu’à l’obscénité), ils sont (largement) incompétents, ils sont irrationnels (moutonniers, auto-réalisateurs), ils sont corrupteurs et corrompus, ils sont (extrêmement) coûteux. Si je reprends ces cinq critiques des marchés financiers, on voit qu’ils s’appliquent particulièrement à cette banque. Inutile d’insister sur les fortunes qu’elle a fait gagner à ses dirigeants, ses experts et ses traders (à titre d’exemple : un associé-gérant gagne en moyenne 5 millions de dollars par an). En matière de corruption, disons passive, on ne fait pas mieux qu’elle, en toute légalité : toute sa force repose sur son réseau, qui lui fait connaître avant les autres et souvent au détriment de ses clients mêmes, des informations que se transmettent entre ses différents départements, parfaitement « initiés ». En matière de compétence, elle est n’est pas beaucoup mieux armée que l’ensemble des opérateurs financiers, mais cela lui suffit pour jouer un premier rôle dans la finance alternative, celle des hedge funds (fonds spéculatifs) qu’elle héberge (car ils n’ont pas d’infrastructure) et celle qu’elle gère pour son compte propre. Nombreux sont d’ailleurs parmi les créateurs de hedge funds d’anciens dirigeants. Là où les marchés sont moutonniers, soit elle enclenche une tendance mais sait se dégager à temps, soit elle prend leur contre-pied avant de déclencher la tendance opposée. Il faudrait aussi évoquer son rôle clé dans la création de produits financiers sophistiqués (c’est un jeune centralien français recruté par elle qui a mis au poins les CDO, ces paquets d’obligations qui dissimulaient des subprimes), sa force de frappe sur les marchés de couverture (notamment les CDS, ces contrats contre les risques de crédit), son rôle spéculatif sur le marché du pétrole, et aujourd’hui des crédits carbone. Et, à travers toutes ses activités, elle engrange toutes les commissions et toutes les plus-values possibles : un prélèvement qui doit se chiffrer en je ne sais combien de milliards de dollars sur la richesse réelle.

Car les profits bancaires viennent bien de quelque part. L’argent ne crée pas de l’argent. La part qui revient au capital bancaire est forcément un prélèvement sur ce produit social qui ne va ni en salaires, ni en contributions sociales, ni en impôts, et l’importance de ce prélèvement dépend du rapport de force établi entre le capital actif et le capital spéculatif (au sens large du terme). On voit, à travers le cas typique de Goldman Sachs, sur quoi s’appuie ce rapport de force, bien au-delà de son rôle d’intermédiation entre l’épargne et l’investissement : sur le développement hypertrophique de la Bourse (circulation effrénée des actions et des obligations sur le marché secondaire, multiplication des produits de couverture face aux aléas des échanges), et sur la collision de la haute finance avec les Etats, qu’il s’agisse de la production des règles et des institutions qui en contrôlent l’application, ou de la gestion des dettes publiques.

Goldman Sachs, de pure banque d’affaires ou d’investissement qu’elle était, est devenue en septembre 2008, quand la crise a pris un tour dramatique (la panne de crédit), un holding bancaire. Autrement dit elle est rentrée dans le rang de la plupart des autres banques, qui sont à la fois des banques de crédit (ou « banques de détail ») et des banques d’affaires. Mais il ne faut pas croire que ce fut à son corps défendant. Cela lui a permis d’obtenir un accès illimité aux fonds fédéraux américains en cas de difficulté de trésorerie, et d’emprunter à la banque centrale américaine à taux zéro pour ensuite acheter des bons du Trésor qui rapportaient 3 à 4%. Il est vrai que G.S. s’est vue imposer en octobre 2008 une entrée de l’Etat américain dans son capital, ce qui ressemblait à une nationalisation partielle, mais elle a obtenu qu’il n’intervienne pas dans sa gestion (elle a rendu ensuite les 10 milliards de dollars, en juillet 2009). A noter aussi que G.S., qui avait été le grand conseiller des Etats pour les privatisations, est devenu leur meilleur conseiller pour les nationalisations (notamment auprès du Trésor britannique), sachant parfaitement que la priorité était de sauver le système financier d’un naufrage qui aurait fini par l’atteindre elle-même, et que ces nationalisations ne seraient que provisoires. Tout cela en dit long sur son pouvoir d’influence et de manipulation.

En lisant City Boy, on découvrait, au sein d’une salle de marché d’une grande banque ordinaire, tout un petit monde de vendeurs et de traders passablement agité, flambeurs bien plus excités que des joueurs de casino, toujours au bord de la crise de nerfs, se défoulant dans les bars à putes et shootés à la coke, frimant à qui mieux mieux. Bref une bande de rigolos, capables cependant de faire sauter la banque dans leur acharnement à faire mieux que le voisin du desk et à encaisser les meilleurs bonus. Avec Goldman Sachs nous avons affaire à une toute autre espèce de financiers, disons les hauts fonctionnaires du capital argent. Le livre de Marc Roche nous offre ici une peinture fascinante. Les Goldman boys sont des sortes de « moines soldats », entièrement dévoués à la Firme, évalués et auto-évalués en permanence, sur toutes sortes de critères (dont la philanthropie !), travaillant en équipes très soudées, interdits de manifester tout signe ostentatoire. Quand à la direction, avec son mode de cooptation très particulier (au sommet de la hiérarchie on devient partenaire-associé), elle fait penser à la Curie romaine. Normal : elle est le haut clergé de la religion de l’argent.  

 

Le raid informatique

 

Je vous propose de poursuivre ce petit voyage intellectuel au centre de la finance par une fiction politico-financière qui vous fera froid dans le dos : Comment j’ai liquidé le siècle, de Flore Vasseur (Editions des équateurs, 2010). Ce livre, qui a des allures de thriller, m’a épaté. Cette romancière semble bien tout connaître des arcanes de la finance et des péripéties qui ont marqué l’histoire récente, celle de la grande crise de 2008-2009, ainsi que de ses acteurs. A croire qu’elle a fait un master de finance, qu’elle est entrée dans l’intimité de quelques traders de haut niveau, qu’elle s’est faufilée dans les réceptions du Gotha des affaires, qu’elle a été une journaliste économique très avertie et une journaliste d’investigation hors pair.

Je ne vais pas vous raconter l’intrigue du livre, auto-récit d’un fils de plombier et de coiffeuse passé par l’X et recruté pour son excellence en mathématiques financières par une banque nommée Crédit général (l’allusion est claire), puis téléguidé (avec son consentement) par une mystérieuse grande ayatollah de la finance bien décidée à sauver le monde occidental de sa défaite programmée face à la Chine et prête pour cela à faire exploser toute la planète financière, et à ruiner en même temps l’économie mondiale. L’arme de notre terroriste est une petite clé USB qui contient un programme qui, dans un premier temps, va emballer les marchés, et dans un second temps, passée une valeur-pivot des transactions, les faire s’écrouler.

En lisant cette histoire, on se dit, bien sûr, que c’est une fiction qui dépasse la réalité, et puis on ne peut s’empêcher de se demander si ce n’est pas la réalité qui dépasse la fiction. Car les marchés, si propices aux manœuvres et aux coups de bluff de leur acteurs vedettes, n’ont par ailleurs plus grand-chose d’humain : non seulement tout s’y passe par des serveurs et entre des ordinateurs connectés entre eux sur la Toile, mais encore les ordres d’achat et de vente se font de manière automatique. Je cite : « Les algorithmes calculent en temps réel la position optimale, l’ordinateur passe la commande à la nanoseconde près. De nos jours 70% des transactions journalières sont placés dans des systèmes comme les miens [ceux du héros du récit]. L’avenir du monde se négocie chaque jour entre automates hyper-intelligents, ces drones de la finance ». C’est ce que tout banquier vous confirmera, peu ou prou. Là où l’histoire dépasse la fiction, c’est quand la petite clé va déclencher une panne informatique générale, bloquant non seulement la circulation de l’argent, mais toute la vie quotidienne. Mais cette fable fait réfléchir.

Un journaliste (Yves Mamou, dans Le Monde du 28 octobre 2010) a relevé quelques exemples de l’extraordinaire pouvoir de nuisance que l’informatique et l’internet rendent possible. Jérôme Kerviel a failli couler la Société générale. Un jeune américain a piraté et revendu plus de 130 millions de cartes bancaires. Julien Assange a mis en ligne 77.000 documents confidentiels du Département d’Etat américain, et rien n’a pu arrêter la diffusion : la communauté anonyme de Wikileaks a trouvé de nouveaux serveurs pour héberger le site, et les documents ont été répliqués sur d’innombrables sites miroirs. Avec un logiciel vendu 25,95 dollars les insurgés irakiens et afghans ont pu sans difficulté pirater les flux vidéos de drones militaires américains qui tentent de les espionner et de les exterminer. On peut, selon le cas, se réjouir que l’arme de l’information devienne accessible à de simples bricoleurs pas nécessairement aussi doués que les hackers. Mais, quand on pense que les 1155 milliers de milliards de dollars des transactions effectuées en une année (c’est un chiffre de 2002) sont susceptibles de comporter des bulles amplifiées par des robots ou de connaître des perturbations résultant de quelques attaques bien ciblées, il y a de quoi s’inquiéter, surtout si l’on sait que les transactions commerciales ne représentent que 2% de ce total, tout le reste consistant en transactions financières, en transactions de change et en transactions sur les produits dérivés (ces dernières valant pour la moitié de l’ensemble). Autrement dit la circulation de l’argent pour l’argent a pris une dimension phénoménale, si bien que le risque systémique n’est plus seulement localisé en des lieux précis, mais généralisé. Certes la prochaine crise aura des causes déterminées, mais les systèmes experts pourraient bien en en accélérer les effets dans une mesure que nous ne pouvons imaginer, et des interventions imprévues et imprévisibles déclencher des catastrophes d’une ampleur insoupçonnée. Il faut décidément ramener la finance à la raison, c’est-à-dire à la portion congrue, car le risque est peut-être comparable à celui que dessine le changement climatique.

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