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Le blog de Tony Andreani
1 mai 2010

Le socialisme introuvable?

Le socialisme, objet à identifier

                                                                                                                        

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« Le socialisme, objet introuvable ?», se demande la revue Commune. Effectivement le socialisme a presque disparu du discours politique dans notre pays. Le nombre des publications consacrées au socialisme s’est réduit comme peau de chagrin. L’opinion enfin ne voit plus très bien ce que le mot veut dire, et reste pour le moins perplexe quand elle entend parler d’un « socialisme du 21° siècle ». Aussi la première chose à faire est-elle de chercher à comprendre les raisons d’une telle éclipse.

La mémoire oblitérée

Pour la jeune génération, et même pour la moins jeune, le socialisme s’est identifié à feu le système soviétique, rendu synonyme de dictature, d’économie de pénurie, d’ennui et d’enfermement. Comme elle ne l’a pas connu, elle ne peut en éprouver la moindre nostalgie, à la différence de toutes ces personnes des classes populaires qui, dans les pays de l’ex-URSS, mais aussi, à un moindre degré, dans les pays de l’Est européen, se souviennent de certains avantages de son mode de vie. Il faut dire aussi qu’on l’a dissuadée de tous côtés de regarder de plus près ce passé du socialisme qui se disait « réel ».

Bien sûr les tenants du capitalisme et leurs intellectuels médiatiques ont noirci le trait à qui mieux. Plus le nouveau capitalisme devenait contestable, plus il fallait transformer ce socialisme historique en musée des horreurs. Mais les socio-démocrates, bien qu’ils s’appellent encore aujourd’hui souvent « socialistes » et fassent partie d’une internationale « socialiste », ont joué le même jeu : l’anti-communisme était depuis longtemps leur raison d’être, la source de leur légitimité. Et l’extrême gauche a abondé dans le même discrédit, en particulier les courants trotskystes : le socialisme à la soviétique était stalinien, point final. Renvoyer ce socialisme aux oubliettes de l’histoire, surtout depuis qu’il s’était effondré comme château de cartes, se désintéresser des recherches historiques (si florissantes encore dans les années 80 et au début des années 90), a relevé ainsi bien plus d’un refoulement, volontaire ou inconscient, que d’un nécessaire travail d’anamnèse. Le socialisme réel a duré pourtant longtemps, ce qui est curieux pour un système considéré comme aberrant, a connu quelques belles réussites dans certains domaines, a cessé d’être à proprement parler stalinien après le 20° Congrès du PCUS, a connu ensuite toutes sortes de tentatives de réforme qui ont certes généralement avorté, mais aussi porté quelques fruits (en Pologne, en Hongrie notamment). Au lieu de passer ces 74 ans d’histoire (45 dans les pays satellites) par pertes et profits, il eût été bien préférable de chercher à en tirer les leçons, fussent-elles essentiellement négatives (comprendre notamment pourquoi le système économique conduisait inéluctablement à l’étouffement de la démocratie et des libertés).

Mais il y a peut-être plus grave : c’est d’avoir identifié le socialisme à ce qui n’en fut qu’une certaine réalisation, même si elle a occupé le devant de la scène historique. Tout d’abord le socialisme, dès ses origines, a comporté plusieurs courants, qui ont donné naissance à plusieurs traditions. Pour faire bref, tous les historiens du 19° siècle qui se sont penchés sur la question savent qu’il y en a au moins trois : une tradition planificatrice visant à faire disparaître les rapports marchands, une tradition qu’on peut appeler de socialisme de marché avant la lettre (de vastes secteurs de l’économie sont collectivisés, mais les échanges restent largement marchands), et une tradition associationniste (à base de coopératives, procédant à des échanges régulés). A noter que ces trois traditions se rencontrent chez Marx et Engels eux-mêmes. Or les deux dernières connaîtront aussi des réalisations historiques, qu’on aurait bien tort de situer hors du champ du socialisme (comme les idéologues du socialisme « réel » ont voulu le faire). Pour ne donner que quelques exemples majeurs, on citera certains traits de l’Etat « keynésien », au moins dans certains pays (l’existence d’un secteur nationalisé, la protection sociale, d’autres services publics, les droits collectifs du travail etc.), le système autogestionnaire yougoslave, les institutions de l’économie « sociale », à commencer par les coopératives de production. Ainsi, même dans les économies capitalistes occidentales, il existait bien certains aspects socialistes (bien sûr influencés par le contexte ambiant). Il suffit, pour s’en convaincre, de voir avec quel acharnement les libéraux d’aujourd’hui s’ingénient à les détruire. Le problème est que, après les avoir souvent dénoncés comme des rouages ou des soupapes du capitalisme (dans les années 60-70), la gauche n’ose plus les caractériser comme tels : on parlera « d’Etat providence » « d’Etat social », de « secteur social », mais jamais d’éléments ou de noyaux de socialisme. On ne s’étonnera pas, dès lors, que le socialisme doit devenu introuvable.

Quand la référence au socialisme devient de plus en plus floue.

Que reste-t-il aujourd’hui de socialiste dans les programmes des partis socialistes ou socio-démocrates en Occident ? Pas grand-chose. Au-delà de l’opposition entre réformisme et révolution et des divergences sur la démocratie « bourgeoise », leur objectif économique n’a différé pendant longtemps de celui des communistes que par la place accordée au marché : les premiers étaient, en dehors des services publics stricto sensu, pour des entreprises publiques (propriété dite « collective » ou « sociale » selon les cas) opérant sur un marché des marchandises (mais pas des capitaux comme titres de propriété), les seconds pour des entités publiques opérant hors marché, selon les objectifs du Plan et à travers des transferts non marchands. La social-démocratie allemande a rompu les amarres, on le sait, en 1959 (au Congrès de Bad Godesberg) : elle était désormais pour une « économie sociale de marché », manière euphémique de se rallier au capitalisme, pourvu qu’il fût social. Le Labour a attendu 1994 pour liquider la propriété collective au profit d’une « économie dynamique, au service de l’intérêt général, dans laquelle le marché et la vigueur de la concurrence s’allient aux forces associatives et coopératives ». Encore une manière de dire qu’on s’était rallié au capitalisme, mais cette fois sans référence à une démocratie sociale. Et, comme entre temps le capitalisme s’était financiarisé, on l’a accepté en bloc, avec son cœur localisé à la City. Il était ainsi admis comme une évidence que l’entreprise capitaliste était supérieure à toute autre, que le marché capitaliste du travail était le seul efficient. Le Labour ne se distinguait plus des conservateurs que par l’accent mis sur certains services publics, qu’il valait d’ailleurs mieux déléguer au privé ou confier à un partenariat public/privé. Les socialistes français ont plus longtemps résisté. A lire leur dernière déclaration de principes[1], ils sont favorables à une « économie mixte, combinant un secteur privé dynamique, des services publics de qualité, un tiers secteur d’économie sociale » (article 6). Il est difficile de soutenir ensuite (article 7) qu’ils militent pour « une société nouvelle, qui dépasse les contradictions du capitalisme, faisant toute sa place au secteur non-marchand », quand les entreprises mixtes (semi-publiques) sont de fait abandonnées, quand la plupart des services publics sont considérés comme privatisables, quand l’économie « sociale » reste un tiers secteur marginalisé ou aligné sur des modes d’organisation capitalistes. Que reste-t-il de socialiste ? La redistribution, pour « réduire les écarts de condition » (article 2) ? On sait que la concurrence fiscale, à l’heure de l’Europe, et de la concurrence mondialisée, en réduit sans cesse la portée. La « démocratie sociale », accordant aux salariés quelques contre-pouvoirs ? La concurrence entre régimes sociaux la rend tout aussi improbable. La régulation, considérée comme « un rôle majeur de l’Etat pour concilier l’économie de marché, la démocratie et la cohésion sociale » (article 8) ? Mais qui n’est pas pour une « régulation » du capitalisme (si différente de toute forme de planification, même incitative) ? On comprend que l’opinion ne voie plus grande différence avec  les programmes de la droite, qui a mâtiné son discours sur les libertés économiques par des accents de justice sociale, et qu’elle puisse se demander en quoi le parti socialiste est encore porteur d’un « projet de transformation sociale radicale » (article 13), surtout quand elle a vu ce parti à l’œuvre entre 1997 et 2002. Au bout du compte le socialisme français, qui montre parfois quelque efficacité sociale sur le plan local, ne fait que témoigner de son immense désarroi idéologique, puisqu’il n’arrive même pas à ressusciter quelques traits de l’ancien régime keynésien. Et il n’est pas le seul : c’est toute la social-démocratie européenne qui est atteinte, en recul partout, faute de projet réellement différent de celui des libéraux. Ce socialisme là est devenu, en tant que discours général, une pétition de principe et un tissu de mots creux. Rien d’étonnant à ce qu’il ait, au niveau des idées, perdu son assise et son soutien populaires, et que finalement il ait rendu le mot presque vide de sens.

Mais la gauche « radicale » n’a pas rempli ce vide. Elle se dit « anti-libérale », mais cela prête beaucoup à confusion. Beaucoup de gens ne comprennent pas bien comme on peut être contre les libertés et, quand l’opinion (surtout en France) marque quand même un défiance vis-à-vis du libéralisme, c’est confusément, en voyant les effets de l’hyper concurrence sur sa vie quotidienne (tout en observant que cette concurrence est faussée et en jugeant qu’il faudrait parfois plus de concurrence). L’anti-libéralisme a en outre l’inconvénient d’occulter le fossé qui sépare le libéralisme actuel du libéralisme classique, qui reconnaissait la nécessité de l’Etat, et qui était plutôt neutre sur la question de la propriété[2]. Il est vraie que la gauche radicale s’en prend souvent de préférence au « néo-libéralisme », mais c’est là encore une expression bien équivoque : que signifie « néo » ? Un libéralisme « moderne » ? Un ultralibéralisme ? Pour le commun des mortels, ces nuances sémantiques sont pour le moins obscures. La gauche libérale se dit aussi souvent « anti-capitaliste ». Ce n’est pas plus clair. Tout ce qui est capitaliste est-il à rejeter ? Comment est-ce possible dans un monde où il est omniprésent ? Quel est l’ailleurs de ce capitalisme ? Que signifie son « dépassement » ? Il faut les lunettes d’un intellectuel et un sens aigu du déchiffrage pour trouver dans les textes programmatiques de la Ligue communiste révolutionnaire ou du Parti communiste quelques indications sur ce que pourrait être une société post-capitaliste, qu’on ose parfois ou qu’on n’ose plus appeler socialiste. Rien d’étonnant à ce que le terme socialisme ne dise plus grand-chose aux jeunes d’aujourd’hui.


Quand le nouveau est travesti ou transfiguré

Le socialisme n’est pourtant pas un astre mort. D’abord certains pays de l’ancien camp socialiste s’en réclament encore officiellement, et cela mériterait au moins d’y regarder de plus près : la Chine, le Vietnam, le Laos, Cuba, la Corée du Nord. Mais l’affaire est entendue :  la Corée du Nord et Cuba mis à part, puisque la première est considérée (non sans raison) comme un vestige de nature stalinienne, et le second comme un vestige d’une économie à la soviétique (ce qui est devenu de plus en plus discutable), Le Laos étant à peu près ignoré, restent la Chine et le Vietnam qui sont présentés, y compris par la gauche radicale, comme des pays qui, sous l’égide de partis totalitaires, se sont convertis au capitalisme, et même au capitalisme le plus « sauvage » ou le plus « débridé ». C’est là une extraordinaire méconnaissance de la réalité. Je n’entrerai pas ici même dans un début d’analyse de cette réalité extrêmement complexe, et marquée par des contextes historiques très particuliers (des pays sortant à peine du sous-développement, avec une immense masse paysanne, ayant subi de terrifiants traumatismes, relevant d’une civilisation longtemps étrangère à la civilisation occidentale et encore très différente de celle-ci). Je me contenterai de noter quelques traits qu’il suffit d’observer : un secteur public (ou collectif) largement dominant, fût-ce sous des formes mixtes, la propriété collective des sols, des économies plus proches d’une économie de crédit que d’une économie de marchés financiers, une planification omniprésente (mais agissant par des leviers indirects), des politiques publiques de grande ampleur, le contrôle des changes, une banque centrale contrôlée par le gouvernement. Il y existe certes un secteur capitaliste important, et même pour une part « sauvage » (surtout dans la sphère informelle). La protection sociale, le droit du travail y accusent encore un retard important par rapport aux pays occidentaux. Rien de tout cela ne permet sans doute de parler d’un « modèle socialiste », mais comment ne pas voir l’existence de différences de nature avec le capitalisme financiarisé qui prévaut dans les pays occidentaux ? En réalité on voit bien l’intérêt qu’ont les idéologues du capitalisme à présenter ces pays comme des mixtes de régimes politiques totalitaires (ou, quand on veut quand même prendre des gants, « autoritaires ») et du pire des capitalismes : il faut absolument éviter d’y laisser entrevoir quelque chose qui paraisse tant soit peu alternatif, surtout quand leur réussite économique pourrait impressionner. Il est moins compréhensible que la gauche, modérée ou radicale, enfourche le même discours : il y a là probablement de l’ignorance, du préjugé, et de la mauvaise conscience. En tous cas ce qu’il peut y avoir de socialiste dans ces pays passe à la trappe du discours politique.

Au sein même des pays occidentaux on a vu apparaître quelques îlots étrangers aux structures, à l’esprit et à la logique du capitalisme : le commerce équitable, le financement solidaire, des reprises d’entreprise par les salariés, des réseaux ou des groupes de coopératives. Tout cela était profondément différent de quelques innovations du capitalisme pour lui donner un peu de respectabilité (la « responsabilité sociale » des entreprises, dont elles devaient être seules juges) ou un supplément d’âme (les placements « éthiques »). Mais personne n’y a vu des ébauches ou des embryons d’économie socialiste, tant cela paraissait éloigné du traditionnel socialisme étatique. Nous y reviendrons.

Le mouvement altermondialiste s’est partagé entre des tendances diverses, surtout axées sur la régulation ou la déconstruction de la mondialisation capitaliste, l’accord se faisant seulement sur la défense de services publics non marchands ou nous soumis à la concurrence, la référence au socialisme restant discrète ou absente. Ceci jusqu’à l’apparition, en Amérique latine (au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, au Nicaragua, et maintenant au Paraguay)  d’une gauche décidée à revenir à certains fondamentaux du socialisme. Pour un courant de l’altermondialisme, ce « socialisme du 21° siècle », proclamé par Hugo Chavez, était la bonne nouvelle. Point de réserve mentale ici : ces pouvoirs s’étaient installés à la faveur d’élections libres, et ne mettaient pas en cause le multipartisme, mais sa confiscation. Sans aucun doute il s’agit là d’une inflexion historique majeure, et ceci dans un continent latino-américain où le capitalisme financiarisé a fait tant de ravages qu’il est tombé dans un profond discrédit populaire. L’ampleur de la campagne occidentale de désinformation et de dénigrement suffirait à en attester. Mais cela ouvre-t-il un nouvel horizon ? Ici encore on a tendance à ne pas voir le contexte : celui de pays restés ou redevenus sous-développés, où seule une minorité s’est prodigieusement enrichie au détriment du reste de la population, dans une situation de dépendance croissante vis-à-vis des capitaux internationaux, états-uniens en particulier. Il fallait donc reprendre le contrôle des ressources naturelles, repartir dans la voie d’une réforme agraire avortée, lancer des programmes d’urgence en direction des plus pauvres, se libérer de l’emprise des créanciers internationaux, à commencer par le FMI. Et ceci au prix d’immenses difficultés (des difficultés aujourd’hui en partie surmontées par un pays comme la Chine, où la quasi-totalité de la population est alphabétisée et où certains secteurs de l’économie sont à la pointe de la technologie). Il ne faut donc pas s’attendre à des miracles, susceptibles de rehausser l’idée du socialisme dans les pays occidentaux et de fournir des programmes prêts à l’emploi, malgré quelques remarquables innovations institutionnelles au Vénézuela[3].

Telles sont donc quelques raisons pour lesquelles le socialisme est devenu un objet introuvable dans le monde développé. Mais c’est aussi parce que le socialisme est redevenu un objet non identifié : difficile de le réinventer (car c’est bien de réinvention qu’il est question) dans cet âge nouveau du capitalisme marqué par la domination de la finance de marché et par la mondialisation déréglementée. Et pourtant nous n’avons pas le choix. Il est illusoire d’espérer revenir au capitalisme des Trente glorieuses, à sa relative conciliation entre capitalisme et démocratie, et à son compromis social[4]. Il l’est encore plus de croire qu’une simple régulation du capitalisme financiarisé puisse le modifier substantiellement. J’y reviendrai à la fin de cet article : tout ce que l’on peut faire en ce domaine, c’est appuyer une réforme en profondeur du capitalisme, qui le rende plus viable et socialement plus acceptable en le « définianciarisant » et en le « démondialisant » partiellement, et il faut le faire. Mais ce n’est pas cela qui rendra beaucoup de pouvoir aux salariés, ni qui redonnera du champ à la démocratie, ni un principe d’espérance à la société. Il faut aussi impérativement penser un nouveau socialisme, et en poser les premières pierres. C’est par là que je commencerai.

Un axe central : la démocratie économique

Ce n’est pas en ressassant des valeurs aussi générales qu’imprécises : la dignité (où commence l’indignité ?), l’égalité (quelle égalité ? Des droits, des chances ? ), l’équité (au nom de quelle justice ?), des conditions de vie « décentes » (où commence la décence ?), l’émancipation humaine (émancipation par rapport à quoi ?), que l’on définira un horizon assignable. Il y a pourtant un axe majeur, qui trace une ligne de démarcation parfaitement nette avec le capitalisme : c’est la démocratie économique, parce qu’elle donne du sens à toutes ces valeurs qu’on agite sans convaincre.

Elle correspond à une aspiration profonde dans les sociétés développées, et plus que jamais déçue. On a beau faire, produire de l’insignifiance et de l’infantilisation[5], réduire les dépenses d’éducation et délester les programmes d’enseignement de leur charge critique, assommer les consommateurs d’informations simplistes et tronquées et de publicités ridicules et abêtissantes, manipuler le langage, bref inciter à la servitude volontaire, on ne peut empêcher que les individus soient plus instruits, plus avertis, plus exigeants que dans les sociétés traditionnelles et dans des sociétés plongées dans la misère. Les démocraties occidentales sont malades, c’est devenu une évidence, comme il est évident que les gens en sont de plus en plus insatisfaits. Et elles sont malades, non seulement parce que les pouvoirs politiques se sont de plus en plus détachés de leurs mandants, la professionnalisation aidant, mais encore parce qu’ils se montrent de plus en plus impuissants. Certains attribuent ce désenchantement de la démocratie à la montée de l’individualisme, un phénomène lié simplement à la modernité (entendons : à la fin des allégeances), et destructeur de la socialité. Diagnostic très superficiel d’une part parce que cet individualisme n’est pas spontané, mais produit, d’autre part parce que, même produit, il reste favorable à l’aspiration démocratique.

Et, si le socialisme peut redevenir d’actualité, c’est parce que le capitalisme contemporain est devenu antinomique avec cette aspiration démocratique, après le relatif compromis de la période antérieure. Aujourd’hui les centres de pouvoir se sont déplacés du côté des états-majors des grandes firmes privées, les politiques publiques n’ont plus d’efficacité qu’à la marge, la politique monétaire se décide dans des banques centrales « indépendantes », les politiques budgétaires sont limitées par la faiblesse des ressources, le contrat d’entreprise tend à remplacer la législation sociale, la politique des revenus est obérée par la concurrence fiscale, la politique sociale est de plus abandonnée aux choix privés etc. La liste est longue de ces dessaisissements du pouvoir politique, et le dépérissement de la démocratie est ainsi programmé[6]. Et nous n’avons même pas parlé du contrôle du fonctionnement démocratique à travers la mainmise sur les médias, de la dévolution à des experts de la consultation publique, du rôle des conseillers et des publicitaires dans la communication politique, et de tant d’autres choses. De cela les citoyens ont bien conscience, mais ne savent sans doute pas encore jusqu’où va ce projet de destruction de la démocratie, au sens de la « souveraineté populaire ». Le libéralisme s’est toujours méfié de la démocratie, cette irruption du politique dans la société « ouverte » du libre marché. Les apôtres du marché généralisé vont plus loin : si seuls les marchés sont efficients et s’ils sont à même de produire leurs propres règles, la démocratie devient carrément superfétatoire. Il y a une trentaine d’années, on pouvait trouver bizarre qu’un anarcho-capitaliste comme Robert Nozick[7] cherche à sauver la possibilité d’un Etat minimum. Aujourd’hui on comprend mieux ce qu’il voulait dire : remplacer la plupart des administrations par des agences privées, parce que cela est en partie réalisé. Quand la « république des actionnaires » paraît supérieure à la république des citoyens, la messe est dite[8]. Ce n’est pas que l’Etat ait perdu toutes ses fonctions, c’est qu’il n’a plus à être soumis aux caprices de ces électeurs irresponsables.

Bref le choix est devenu dilemme : entre ce capitalisme (précisons encore une fois : dominé par la finance) et la démocratie, il faut choisir.

La démocratie économique, ce n’est pas la « démocratie sociale », à savoir quelques contre-pouvoirs de plus en plus réduits pour les salariés, la négociation sociale entre partenaires sociaux plus inégaux que jamais. C’est d’abord et avant tout le retour et la promotion du politique dans la vie des sociétés, pour qu’il oriente l’économique, sous l’impulsion et le contrôle du citoyen Ce sera ensuite la démocratie sur le lieu de travail. Qu’on me permette ici de présenter quelques idées très simples.

Les choix collectifs, la planification.

Le politique c’est l’existence de choix collectifs – avant même de savoir comment ils se décident. Ces choix collectifs définissent de grandes orientations et débouchent sur des politiques publiques, comme celles que j’évoquais tout à l’heure. Ils se distinguent des choix privés, qui continuent à s’exercer librement, mais dans un cadre collectivement défini (par exemple une politique visant à développer des transports publics n’empêche personne de choisir un mode de déplacement individuel, mais tous auront soutenu cette politique à travers une contribution fiscale, et il se peut que des taxes sur les automobiles rendent leur usage plus coûteux). Pour schématiser : dans le système soviétique tout relevait d’un choix politique, qui allait jusqu’au plus petit détail ; dans le système capitaliste « pur » tout devient affaire de choix privé.

Qui dit choix collectif dit prévision de ses effets et moyens de le mettre en œuvre. Autrefois, en France même, on appelait cela de la planification, non pas impérative et centralisée – ce qui n’a pas de sens si l’on se contente de définir de grandes orientations – mais incitative. Faut-il le rappeler ici, il existait une Commissariat général au Plan, où se rencontraient notamment le patronat et les syndicats, et où l’on essayait de définir de grands objectifs. Il a été supprimé en 2005 et remplacé en 2006 par un Conseil d’analyse stratégique, composé uniquement d’experts. Il existait également une Loi de Plan, et une loi rectificative, qui étaient votées par le Parlement, lequel se prononçait aussi sur son exécution. Cette Loi est toujours inscrite dans la Constitution, mais est tombée en désuétude. Tout cela, dit-on, est dépassé : c’était du temps où le crédit était la principale source de financement externe des entreprises et où il était encadré et orienté (par la technique des crédits bonifiés, compensés auprès des banques par l’Etat), où les firmes n’étaient pas transnationales, où l’on pouvait subventionner de diverses manières tel ou tel secteur de l’économie, notamment à travers la fiscalité différentielle, où il existait un contrôle des changes, où l’Etat disposait d’instruments puissants grâce au secteur nationalisé. Mais la mondialisation est passée par là, et la seule chose à faire est de l’accompagner, par des réformes tendant à libéraliser l’économie pour lui permettre de retrouver son dynamisme face à la concurrence de pays émergents comme la Chine, patrie, comme l’on dit, du capitalisme le plus débridé. Mais justement tout cela est encore en vigueur en Chine, et marche plutôt bien. Quoiqu’on puisse penser de son régime politique, tout esprit tant soit peu objectif devrait reconnaître que le Plan y joue toujours un rôle central, que les politiques publiques y sont d’une remarquable efficacité, malgré l’immensité du pays, malgré la décentralisation qui rend les provinces fort peu obéissantes au pouvoir central, malgré la grande zone d’ombre de l’économie souterraine. Mais admettre que la puissance de l’Etat soit l’un des secrets de sa formidable croissance serait tellement contraire aux dogmes de l’ultralibéralisme qu’on préfère ne pas le voir, ou le minimiser. Il ne serait pas inutile non plus de noter que, au cœur de la plus grande métropole capitaliste, on ne se prive pas de jouer de la dépense publique et de soutenir des pans entiers de l’économie, et notamment la recherche, avec les deniers publics. Mais les pays européens préfèrent se tirer un boulet dans le pied plutôt que de remettre en cause le karma de la « concurrence libre et non faussée ». Comme on le sait, ce qui reste des politiques publiques de tel ou tel Etat est attaqué, au-delà d’une certaine ampleur, par les Etats concurrents, et, quand ils ne l’est pas par eux, c’est par des firmes privées portant plainte auprès de la Commission européenne. Comme il n’y a pas de politique publique européenne, en dehors de la politique agricole et de la distribution des fonds structurels, ou de certains aspects de la politique de sécurité, l’Europe est mal partie pour faire à la concurrence des pays qui en ont une. Il est vrai que, pour en avoir une elle aussi, il faudrait qu’il y ait quelque chose comme un Etat européen, ce qui supposerait une démocratisation radicale de ses institutions, ce dont les grands groupes qui y opèrent n’ont cure, bien au contraire.

Revenons à la planification, puisqu’il vaut mieux l’appeler par son nom. Elle est pourtant plus nécessaire que jamais, à une époque marquée par l’importance des bouleversements technologiques et par les impacts environnementaux de l’économie, donc par une incertitude et des risques croissants[9]. Plus fondamentalement encore elle est nécessaire pour que l’avenir fasse sens, pour que la notion de progrès social ne soit pas constamment démentie, pour que le futur de nos enfants et petits enfants cesse d’être une source d’angoisse permanente. Et c’est bien là le point de départ d’une perspective socialiste : la remise en honneur et en vigueur de la souveraineté populaire.

Le citoyen et les services publics

Si la démocratie est la clé de voûte d’un nouveau socialisme, les institutions politiques devraient être revivifiés et transformées. On ne s’étendra pas ici sur un aussi vaste sujet, sauf pour faire quelques observations générales. La planification permet de donner sens et cohérence à des programmes politiques (les partis politiques devraient, à cet effet, recourir aux services d’un organisme administratif technique, indépendant, pour s’assurer de la cohérence de leurs projections), tout en sachant qu’il faudra la réviser en fonction des circonstances et des résultats. Mais, les politiques, pour produire tous leurs résultats, doivent s’étaler sur une certaine durée. Il est donc souhaitable que les mandatures soient assez longues, à l’opposé de l’instabilité permanente qui caractérise les démocraties libérales, devenues des démocraties d’opinion. Cependant, pour éviter que la souveraineté populaire n’ait plus à s’exercer dans les intervalles entre deux élections, il faudrait recourir davantage aux référendums ponctuels précédés d’un large débat politique (tout le contraire des sondages d’opinion) et sans doute introduire aussi une procédure de référendum révocatoire (sous des conditions très exigeantes, l’Assemblée nationale pourrait être dissoute).[10] La deuxième remarque est qu’il ne faut pas multiplier les instances et les consultations démocratiques, au risque d’entraîner une certaine fatigue de la démocratie. Cette remarque vise en particulier la démocratie participative, comme troisième pilier de la démocratie (après la démocratie représentative et la démocratie directe) : outre son caractère souvent « censitaire » (ce sont les plus aisés et les plus cultivés qui mènent le jeu), elle tend à être confisquée par les activistes.

Mais le plus important est la construction de la citoyenneté : les meilleures institutions démocratiques du monde ne seront qu’une coquille vide sans un citoyen apte et mobilisé. Il faut rappeler ici la distinction cardinale entre le citoyen et l’individu. Contrairement à la conception ultra-libérale d’un individu toujours mû pas ses intérêts personnels et pour cela obsédé par un calcul coûts/avantages, il y a, même chez les gens dépolitisés, un citoyen qui sommeille (sauf chez ceux que leur histoire personnelle ou sociale a mis en marge de la société), c’est-à-dire qui pense à l’intérêt général (lors même qu’il le pense à travers le prisme de sa classe sociale). Par exemple l’automobiliste qui, en tant qu’individu, ne rêve que de vitesse, sait bien qu’il faut des normes collectives destinées à assurer la sécurité routière, quand bien même il les discute. Donc le socialisme suppose une citoyenneté forte et développée : du temps libre d’abord, un solide niveau d’éducation, une santé préservée, des moyens d’information diversifiés (ce qui suppose au moins des aides publiques conséquentes), des moyens de communication et de transport accessibles à tous et à des prix modérés. Voilà pour les biens fondamentaux, ceux qui font le sujet politique. Mais il y a aussi des « biens de civilisation », qui font société : ce sont ceux qui sont considérés comme faisant partie du standard de vie et, en un certain sens, de l’art de vivre d’une nation, et donc d’un choix collectif qui peut varier d’un pays à l’autre : de l’électricité au jardin public, de la route départementale bien entretenue au chemin de randonnée. Il y a enfin un certain nombre de  biens collectifs nécessaires à l’indépendance nationale. En disant cela, nous avons posé le deuxième pilier d’une société socialiste : l’existence de services publics, au sens plein du terme, c’est-à-dire au sens politique, comme produisant des « biens sociaux », un concept bien éloigné de celui des économistes (pour lesquels un bien public est seulement un bien que sa nature rend difficilement marchandisable, tel l’éclairage d’une rue), et tout autant de la notion de «service universel », qui désigne seulement un service minimum accessible à tous[11].

Outil de la citoyenneté, le service public est au service de la collectivité nationale : sa vocation n’est pas d’être une firme transnationale. Fournisseur de biens sociaux, un service public est de la responsabilité de l’Etat. De ces prémisses découle la nécessité de la propriété publique et le fait que, même lorsque le bien social (l’électricité par exemple) n’est pas gratuit (en fait financé par le budget), mais a un prix (notamment pour éviter les consommations dispendieuses), sa production ne doit pas être soumise à des normes de rentabilité financière. Il faut pourtant que l’établissement industriel et commercial soit économe de ses ressources et géré de manière optimale. C’est pourquoi j’ai proposé que, au lieu de verser des dividendes à l’Etat, il soit seulement soumis à une taxe sur l’usage du capital – une taxe dont le produit devrait servir soit à le recapitaliser soit à capitaliser d’autres entreprises publiques. Comme nous n’oublierons pas la démocratie au sein même du service public, on penchera pour une co-gestion avec les salariés (la question de la représentation des usagers restant ouverte), l’Etat gardant cependant une voix prépondérante, puisqu’il y va de sa responsabilité.

Je n’entrerai pas ici dans plus de détails, mais il faut bien répondre à l’argument économique des libéraux, selon lequel l’entreprise de services publics doit dépasser le cadre national pour atteindre la taille qui lui permet ces gains de productivité qui seront finalement favorables aux citoyens. C’est cet argument, on le sait, qui sert de justification ultime aux privatisations partielles, étendues ou totales[12], en particulier pour la raison suivante : les Etats étrangers ou leurs firmes privées n’accepteront pas que des entreprises publiques d’un autre pays viennent opérer sur leur territoire, si la réciproque n’est pas vraie (le pays doit donc s’ouvrir à la concurrence, et ses entreprises à des capitaux étrangers). Il ne se passe guère de jour sans que la Commission européenne, de sa propre initiative ou sur plainte d’autres Etats ou d’une firme concurrente, ne somme un Etat de renoncer à ce qui serait un privilège déloyal[13]. Or cette justification ne tient pas. Si l’entreprise publique de tel pays opérant dans un autre respecte rigoureusement les charges qui lui sont assignées par ce dernier et si elle lui fournit un meilleur service (et il y plus de chances qu’il en soit ainsi que s’il s’agit d’une entreprise privée), que peut-on lui reprocher ? Si l’Etat étranger veut garder un contrôle direct sur elle, il peut constituer avec l’autre pays une co-entreprise[14]. Inversement, dans les cas où la concurrence peut être bénéfique, un Etat admettra la présence d’une entreprise privée d’un autre Etat, mais en la soumettant aux mêmes obligations que celles auxquelles est astreinte son (ou ses) entreprise publique, laquelle doit pouvoir continuer à être gérée selon ses propres critères. Rien n’oblige donc à privatiser une entreprise de services publics, et rien ne contraint à l’enfermer dans le territoire national[15].

Des entreprises publiques ou semi-publiques démocratisées (dans le domaine des biens privés).

Si nous quittons le domaine des biens sociaux et des services publics, les entreprises doivent-elles être privées et capitalistes ? Il n’y a aucune raison a priori pour qu’une entreprise publique soit moins efficiente qu’une entreprise capitaliste. Bien  au contraire elle peut disposer de trois atouts que cette dernière ne possède pas, surtout à l’époque du capitalisme financiarisé (on reviendra sur celui-ci à la fin de l’exposé) : elle n’est pas contrainte à une rentabilité financière élevée (avec le niveau de dividendes correspondant) ; elle peut se consacrer à des investissements de long terme (particulièrement importants quand les rendements sont croissants à l’échelle) ; elle favorise un engagement des personnels grâce à leur participation à la gestion et grâce à la stabilité de l’emploi. Quand l’entreprise publique n’a pas fait mieux, et parfois pire que l’entreprise privée, c’est en raison de vices de structure liés à ses rapports avec les administrations de tutelle. Je ne peux pas développer ici cette très importante question, mais je la résumerai ainsi : 1° l’entreprise publique entretenait des rapports de connivence et de collusion avec ces administrations, tantôt gourmandes de dividendes, tantôt laxistes (et ce d’autant plus que leurs dirigeants en émanaient) ; 2° le défaut de démocratie interne faisait que la motivation des personnels y était réduite ; 3° dans ces conditions la technocratie d’entreprise finissait par imposer ses décisions (c’est le problème classique de l’asymétrie d’information). Tout cela est parfaitement remédiable si les entreprises sont contrôlées non par une administration, mais par une instance qui joue un vrai rôle de surveillance dans les conseils d’administration (l’équivalent de ce qu’on nomme, dans le système capitaliste, la gouvernance d’entreprise), et si les salariés ont eux aussi des pouvoirs de surveillance et d’intervention. Ce qui va dans le sens d’une authentique co-gestion, telle que les salariés ne défendent plus seulement leurs propres intérêts (comme ils le font dans l’entreprise capitaliste), mais aussi celui de l’entreprise, dont ils se sentent partie prenante (au-delà de leurs intérêts corporatifs donc).

Reste un problème sérieux : celui du financement, pour autant que les entreprises ne peuvent se limiter à l’autofinancement et au crédit bancaire, et c’est naturellement celui que mettent en avant les partisans de la privatisation et de l’introduction en Bourse : les entreprises doivent pouvoir faire appel à des investisseurs privés lorsque l’Etat n’a pas les moyens de les capitaliser, et leur présence en Bourse leur permettra de se développer en lançant des offres publiques d’achat et des offres publiques d’échange afin d’acquérir d’autres entreprises et de procéder à des fusions. On peut admettre, en effet, que l’Etat n’ait pas toujours les moyens de financer les entreprises publiques[16], surtout quand le secteur public est étroit, quand l’Etat se contente de faibles dividendes et quand il se refuse à vendre des actifs, sinon à d’autres entreprises d’Etat. Mais cela ne condamne pas pour autant à la privatisation, car il y a d’autres solutions au problème du financement. Les théoriciens du socialisme de marché à base d’entreprises publiques en ont avancé deux, que l’on peut revisiter : les prises de participations venant d’autres entreprises publiques en bonne santé financière, le financement par des fonds publics d’investissement faisant appel à l’épargne des ménages[17]. Considérons la seconde (qui peut s’inspirer de la pratique de certains « fonds souverains ») : ces fonds publics prennent donc des parts de capital dans telle ou telle entreprise publique, mais peuvent aussi les échanger entre eux sur un marché de gré à gré (une sorte de private equity), qui ne passe par la Bourse, et, comme leurs opérations sont plus légères et plus épisodiques, ils n’ont pas besoin, pour rémunérer les épargnants, d’exiger des entreprises une rentabilité financière comparable à celle des fonds d’investissement privés[18]. Un seul problème n’est pas résolu : celui non pas des offres publiques d’achat, mais celui des offres publiques d’échange en direction des entreprises privées, car ces dernières supposent des échanges d’actions, donc des aliénations de capital public. Il n’est pas sûr que ces OPE soient indispensables[19], mais cela pourrait nous conduire à une dernière solution : celle d’entreprises mixtes, où le capital privé pourrait représenter jusqu’à la moitié du capital. Il ne faut pourtant pas que l’entreprise publique en perde tous ses atouts : la rentabilité financière doit rester plus modeste (tout en restant suffisante pour attirer des investisseurs intéressés par ses avantages, notamment par sa stabilité) et la démocratie d’entreprise ne doit pas en souffrir. D’où la proposition que j’ai faite du maintien d’une forte participation des salariés à la gestion, qui devraient en particulier posséder au moins un tiers des voix délibératives, et disposer des mêmes informations que les autres administrateurs[20].

Non seulement ce secteur public ou semi-public peut donc être parfaitement viable, mais encore c’est le moyen pour que la production n’échappe pas à tout contrôle de la part de la puissance publique. Ce qui ne veut pas dire que celle-ci va s’en servir comme instrument de ses politiques publiques, ainsi qu’on le pensait autrefois. La planification doit s’exercer en ce domaine de manière indirecte, purement incitative, et neutre (sans privilégier une entreprise plutôt qu’une autre).

Mais ce n’est pas là, selon moi, le meilleur avenir du socialisme. Avec ces entreprises publiques ou semi-publiques, nous restons proches d’un capitalisme d’Etat, qui aurait certes l’immense avantage de la stabilité de l’actionnariat et de ne plus être dominé par la finance capitaliste de marché (imposant la maximisation de la « valeur actionnariale », cf. plus loin), mais qui ne comporte que quelques éléments de socialisme. Les travailleurs sont associés à la gestion, mais ne sont pas maîtres de leurs entreprises.

Un secteur d’entreprises socialisées

Je voudrais donner ici un rapide aperçu de ce que pourrait être un nouveau secteur de l’économie, reposant pleinement sur la démocratie d’entreprise.

Sa logique serait à l’opposé de la logique capitaliste : au lieu que ce soit le capital qui loue le travail, c’est le travail qui louerait le capital. Et le principe d’optimisation ne serait plus la maximisation des revenus du capital, mais celle des revenus du travail (un fois payés les intérêts des crédits et les impôts).

Le système s’inspire des coopératives de production, en visant à surmonter leur éternelle faiblesse, la difficulté de se financer sans faire appel à des investisseurs extérieurs. Dans une phase de transition, les coopérateurs apporteraient encore des capitaux propres, mais, une fois le système développé, les capitaux propres pourraient être remplacés par des ressources longues venant du crédit bancaire[21]. Les entreprises seraient donc financées par des banques elles-mêmes coopératives. Et ces banques dédiées, qui feraient appel à l’épargne des ménages, seraient elles-mêmes surveillées par un Fonds public d’investissement leur accordant, en fonction de la qualité de leur gestion, d’autres ressources d’épargne venant d’une partie des intérêts versés par les entreprises[22]. Je ne peux entrer ici dans plus de détails, mais pourquoi parler d’entreprises « socialisées » ?

D’abord parce le financement de l’investissement nouveau est socialisé à travers ce versement d’intérêts au Fonds via les banques : chaque entreprise aide ainsi indirectement au financement des autres. Ensuite parce que, pour limiter les risques pris par les banques, les entreprises cotiseraient à des organismes de conseil, comprenant des professionnels de la branche, et à des organismes de cautionnement mutuel des crédits. Enfin parce que les entreprises de ce secteur financeraient, également par des cotisations, d’autres services communs, notamment de formation à la gestion. Toutes ces dispositions sont inspirées des institutions de financement solidaire et des réseaux de coopératives.

Mais la socialisation ne s’arrête pas là. L’ensemble des entreprises socialisées se doterait de règles communes en matière de gestion et de rémunération des travailleurs, des règles néanmoins assez souples pour leur laisser une certaine latitude. Par ailleurs les entreprises seraient reliées par des réseaux socialisés d’information, auxquels elles devraient communiquer un grand nombre de données. C’est ainsi tout un savoir qui est partagé, et qui aide chaque entreprise à mieux se gérer, à mieux connaître les besoins des consommateurs, à améliorer sa technologie. En un mot la coopération vient contrebalancer la concurrence et la solidarité prévenir et limiter les échecs. Les consommateurs disposeraient grâce aux réseaux d’information de toutes sortes d’informations (sur la nature des produits, sur les conditions sociales de leur production, sur les marges des entreprises etc.) qui rappellent les pratiques du commerce équitable, et de moyens de faire connaître leurs avis et leurs demandes, comme tentent de le faire déjà aujourd’hui des associations de consommateurs.

La rupture est ainsi profonde avec le capitalisme, sous toutes ses formes, y compris le capitalisme d’Etat. Le secteur socialisé fonctionne avec ses propres moyens, sans recourir aucunement aux marchés financiers. Et l’ambition est grande : le secteur comportera aussi de très grandes entreprises, capables de s’internationaliser. Il ne faut pas se dissimuler pourtant que la démocratie d’entreprise (un homme/une voix) devient difficile avec le changement d’échelle et avec le dépassement du cadre national : il ne sera pas facile pour des travailleurs d’autres pays de devenir des coopérateurs, d’envoyer des représentants à de vastes assemblées générales de groupe, de s’insérer dans des réseaux d’information transfrontières[23]. Cette mondialisation là supposera bien des formules intermédiaires, bien des étapes. Au moins ouvre-t-elle une voie inexplorée, une voie d’avenir vers une véritable internationalisation du travail, et non du capital.

Un secteur capitaliste à réformer en profondeur

Le nouveau socialisme comportera évidemment un grand nombre de petites entreprises privées : coiffeurs, petits commerçants, artisans etc. ne seront ni des fonctionnaires, ni des coopérateurs. Mais qu’en sera-t-il des entreprises capitalistes ? Il se peut qu’une crise majeure du capitalisme financiarisé entraîne sa décomposition rapide : un effondrement boursier rendrait les actions les entreprises cotées en Bourse invendables, d’autres entreprises seraient en grande difficulté dans un contexte général de forte récession, et il n’y aurait alors plus d’autres solutions que le rachat à bas prix par les salariés, par l’Etat ou des fonds publics, ou, si un secteur socialisé avait pris de l’essor, la transformation de ces entreprises en entreprises socialisées (les actions devenant de simples titres participatifs). Ce scénario n’est plus à exclure, tant les facteurs de crise se sont accentués et multipliés : un caractère de plus en plus systémique des crises lié à l’intensification de la mondialisation, les déséquilibres structurels de la première puissance économique mondiale, la raréfaction des ressources naturelles (l’eau en particulier), la hausse des prix des produits alimentaires (qui vient d’entraîner des émeutes de la faim), les effets environnementaux de l’urbanisation et leurs coûts induits, les catastrophes climatiques, déjà en nombre croissant et encore plus menaçantes à l’avenir, selon l’intensité du réchauffement climatique[24]. La crise toucherait tous les pays, mais davantage ceux qui sont allés le plus loin dans la voie de la financiarisation et où l’Etat est le plus faible. Néanmoins ce n’est pas là l’hypothèse la plus probable dans un avenir rapproché. Le capitalisme financiarisé n’est pas près de s’autodétruire. C’est pourquoi on ne saurait se désintéresser d’une réforme du capitalisme pour le soustraire à la domination de la finance de marché et protéger la société des méfaits d’une globalisation débridée.

Je ne dirai que quelques mots de mes convictions sur un sujet aussi difficile et aussi capital. Si le capitalisme financiarisé connaît aujourd’hui une crise de grande ampleur, ceci est lié in fine à l’extraction de la valeur actionnariale, à la circulation effrénée des capitaux flottants, à l’excès de liquidités. Quand les investisseurs institutionnels et les grandes banques internationales[25]exigent des entreprises où ils investissent une rentabilité financière (un rendement des capitaux propres) de 15% ou plus, alors que l’économie mondiale croit à un rythme moyen de 4%, cette finance de marché[26], qui a pris des dimensions gigantesques, bouleverse le monde capitaliste lui-même : elle pousse la grande entreprise à se concentrer sur une partie la chaîne de valeur (le « cœur de métier »), à se décomposer en filiales pour en faire des centres de profit autonomes (et les céder à l’occasion), à délocaliser de plus en plus loin ses établissements pour réduire les coûts salariaux, à sous-traiter le plus d’activités possible pour abaisser des coûts. En drainant indirectement[27] de la valeur tout le long de la chaîne, la grande entreprise pèse notamment de tout son poids sur les autres entreprises capitalistes, et, par voie de conséquence, sur leurs salariés, sur leurs conditions d’emploi, de travail et de salaire. Un autre effet de la finance de marché est ce qu’on appelle « le court-termisme » : l’exigence de rendements réguliers menace l’investissement de long terme, et la grande entreprise elle-même est toujours menacée d’OPA ou d’OPE, à travers des propositions alléchantes faites au capital flottant. Par ailleurs la finance de marché présente un certain nombre de travers qui lui sont propres : l’instabilité chronique (liée aux comportements « mimétiques » et aux « prophéties auto-réalisatrices »), la corruption structurelle (manifestée par les scandales récurrents), les erreurs d’appréciation  (liées à une analyse essentiellement financière). Enfin elle représente un énorme prélèvement sur l’économie réelle, celle qui produit des biens et des services – bien plus élevé que celui de la finance de crédit, qu’elle met d’ailleurs toujours plus à contribution (ce sont toutes les opérations financières réalisées à crédit, ce qui entraîne une inflation des liquidités).

Il fallait rappeler tout cela, même très succinctement, pour comprendre combien les remèdes généralement proposés, des plus homéopathiques aux plus résolus[28], sont forcément de courte portée, voire inopérants, tant qu’ils ne touchent pas à l’architecture générale du système. En outre ils se heurtent ou se heurteront à la résistance des investisseurs institutionnels, des banques, et des Etats les plus en pointe dans la mondialisation financière, d’autant plus difficile à vaincre qu’ils réclameraient une entente et une coopération internationales, dans un contexte d’ouverture des marchés. C’est pourquoi certains ont proposé une réforme beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale, et qui pourtant serait plus facilement réalisable, car elle pourrait être mise en œuvre à une échelle nationale ou régionale. Dans ses grandes lignes elle consisterait, par des mesures législatives et fiscales, à favoriser un actionnariat stable, mieux à même de suivre la marche d’une entreprise et de se projeter sur le moyen et le long terme, et des marchés de gré à gré tout en les encadrant. Tout cela reviendrait en quelque sorte à asphyxier la finance de marché en la privant de son oxygène, ces transactions au jour le jour et même à tout instant sur les actions et leur dérivés. En même temps la circulation mondiale des capitaux pourrait être freinée par des taxes ad hoc, canalisée par le contrôle des changes sur certaines opérations, limitée par un retour à des parités fixes modulables entre les monnaies. Au bout du compte cette nouvelle régulation du capitalisme ne le transformerait certes pas en capitalisme social, mais serait quand même plus favorable aux salariés : elle redonnerait à des gouvernements progressistes des marges de manœuvre (notamment grâce au produit des taxations) et rendrait les propriétaires et les dirigeants d’entreprise plus soucieux d’entretenir des rapports stables avec leurs salariés, quitte à leur concéder quelques contre-pouvoirs (présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration, rôle accru des comités d’entreprise etc.).

Vers une nouvelle alliance

Actuellement la gauche est partagée, nous l’avons dit, entre deux courants opposés : celui qui refuse le capitalisme (et, en attendant, lutte désespérément contre tous les coups portés au monde du travail, sans parvenir à inverser le mouvement) et celui qui considère que la seule position réaliste est de l’accepter en le modérant (par des mesures telles qu’elles n’effarouchent pas les investisseurs, et par un peu de redistribution). Deux stratégies qui sont perdantes et qui empêchent de faire l’unité. Je crois qu’il faudrait faire les deux choses à la fois : soutenir une réforme en profondeur du capitalisme et ouvrir de nouvelles voies vers le socialisme. Il n’y a rien de contradictoire dans cette stratégie. Bien au contraire : une transformation structurelle du capitalisme et une régulation forte de la mondialisation constitueraient un environnement plus favorable pour un socialisme de marché, et un secteur capitaliste réformé pourrait même lui servir de concurrent utile. Sur le plan doctrinal il faudrait réaliser la jonction entre disons les néo-keynésiens et les économistes radicaux. Sur le plan des alliances de classe enfin, il n’y aurait nulle contradiction à chercher des soutiens à la fois dans les milieux populaires, dans les catégories intermédiaires et dans une fraction éclairée du patronat, celle précisément qui se sait écrasée par le capitalisme financiarisé. En termes politiques l’alliance pourrait aller d’une extrême gauche qui ne se contenterait plus de postures protestataires et de combats de retardement et un centre gauche qui ne désirerait pas se faire laminer ni se couper du monde du travail. Encore faudrait-il pour cela prendre toute la mesure d’une situation historique nouvelle et porteuse d’immenses dangers, tant pour les populations que pour la civilisation et la planète.

Tony Andreani

[1] Elle doit faire l’objet d’un vote lors d’une convention nationale du PS le 14 juin 2008.

[2] John Stuart Mill, un des grands penseurs du libéralisme classique, penchait pour les coopératives. Les économistes néo-classiques eux-mêmes, qui ont fait la théorie d’un marché pur et parfait, n’étaient pas forcément des apôtres de la propriété capitaliste (les entreprises pouvaient aussi bien être publiques, pourvu qu’elles jouent le jeu de la concurrence). On peut également relire aujourd’hui avec profit Walras, le père de la théorie de l’équilibre général, expliquant pourquoi les chemins de fer devraient devenir un monopole.

[3] Christophe Ventura les relève, tout en soulignant la spécificité de l’expérience vénézuelienne (une expérience d’à peine une dizaine d’années) et en mettant en garde contre la tentation de transposition à d’autres pays. Cf. « Pourquoi s’intéresser à la révolution bolivarienne/Nous ne sommes pas tous vénézuéliens », in Utopie critique, n° 43, 1° trimestre 2008.

[4] Il ne faut d’ailleurs pas mythifier cette période, qui fut aussi un âge de fer, comme en a témoigné le Mai 68 ouvrier.

[5] Cf Robert Charvin, « Infantilisation et insignifiance », in Utopie critique, n° 44, 2° trimestre 2008.

[6] Sur l’ampleur et la diversité de ces déssaisissements, cf. Refaire la politique, coordonné par Tony Andréani et Michel Vakaloulis, Syllepse, 2002.

[7] Robert Nozick, Anarchie, Etat et utopie, édition française, PUF, 1988. Cet étrange philosophe, qui s’opposait à toute atteinte aux « habilitations » de individus – c’est-à-dire à leurs droits de propriété, pourvu qu’ils ne fussent pas acquis par la violence – et considérait de ce fait l’impôt comme un vol, avait trouvé plus radicaux que lui : certains anarcho-capitalistes qui voulaient en finir avec l’Etat, y compris avec sa fonction de dire le droit.

[8] Cf. Frédéric Lordon, La démocratie à l’épreuve de la finance, in Refaire la politique, op. cit., p. 20-22.

[9] Partant, elle devra être d’une grande souplesse, à la différence de la planification de l’époque gaulliste, qui comportait des objectifs sectoriels précis (le charbon et l’acier, l’electronucléaire etc.), et qui était fondée sur une programmation linéaire (avec des corrections de trajectoire). Mais elle devrait bien jouer le rôle de « réducteur d’incertitudes » - ce qui, notons le, réduirait d’autant l’importance des marchés dérivés, qui sont des marchés de couverture ou d’assurance contre les risques.

[10] La Constitution vénézuelienne comporte la possibilité d’un référendum révocatoire concernant le Président de la République. Elle pourrait être utilisée aussi dans un régime parlementaire.

[11] La Commission  européenne a défini le service universel comme « un service minimum, dont la qualité est spécifiée et à un prix accessible ». C’était là la simple contrepartie à l’ouverture des services publics à la concurrence et à leur privatisation, destinée à assurer un minimum de cohésion sociale.

[12] Les libéraux ont bien d’autres arguments, mais facilement réfutables : l’entreprise privée serait toujours plus efficace que l’entreprise publique (les faits montrent au contraire que le bilan des privatisations en matière de services publics est en général négatif), et la concurrence serait le meilleur moyen de faire baisser les prix (dans certains cas, la concurrence est sans doute souhaitable, mais devrait se faire plutôt entre entreprises publiques).

[13] La Commission ne peut réclamer la privatisation (les traités l’interdisent), mais elle peut exiger que l’entreprise publique soit gérée comme une entreprise privée (selon le test de « l’entrepreneur avisé »), faute de quoi il y aurait aide d’Etat déguisée. Il n’y a en réalité aucune aide d’Etat si l’entreprise n’est pas subventionnée.

[14] On cite le cas d’EADS pour montrer les difficultés des co-entreprises. Mauvais exemple, car il s’agit d’une entreprise privée, où l’Etat français détient bien des parts du capital, mais en a délégué la gestion à Lagardère. D’Etat à Etat il peut certes y avoir des tensions si les modes de gestion diffèrent, mais elles sont plus faciles à résoudre une fois les règles du partenariat établies.

[15] Mais il y a, bien sûr, d’autres moyens pour une entreprise de gagner en productivité (économies d’échelle, synergies) que la transnationalisation : groupements d’intérêt économique, formes diverses de coopération.

[16] Ce fut la raison principale pour laquelle un grand nombre d’entreprises d’Etat chinoises furent introduites en Bourse – et non une conversion idéologique. Il existe néanmoins aujourd’hui dans ce pays un fort courant qui pousse à la privatisation des entreprises publiques et à la financiarisation du système économique.

[17] Cf. les modèles de socialisme de Pranab Bardhan et John Roemer et leur brève présentation dans mon livre Le socialisme est (a)venir, tome 2, Les possibles, p. 56-58, Syllepse, 2004. Dans le modèle de Roemer, les citoyens reçoivent de l’Etat des « bons », qu’ils peuvent convertir en « actions » (porteuses de dividendes) et confier à des gestionnaires publics, mais le financement reste uniquement bancaire.

[18] L’Etat français se comporte au contraire comme un actionnaire comme les autres. Le niveau des dividendes (dividende/résultat net) prélevés est, dans les entreprises où il est minoritaire, mais aussi où il est majoritaire, comparable à celui des entreprises du CAC 40. C’est seulement là où il est seul actionnaire ( La Poste, la SNCF et la RATP) que ce niveau est resté très inférieur.

[19] Elles donnent souvent de fort mauvais résultats, surtout dans le cas d’offres « hostiles » (nous souhaitées par la direction de l’entreprise absorbée).

[20] La présence de représentants des salariés au sein des conseils d’administration est prévue par la législation de plusieurs pays européens en ce qui concerne même des entreprises privées, mais elle ne se traduit pas en général par un pouvoir effectif.

[21] L’autofinancement (pour l’investissement net) devrait disparaître pour éviter que l’accumulation privée de capital ne fausse la concurrence entre les entreprises. Mais, dans un souci de réalisme, on peut admettre la constitution de réserves obligatoires, comme dans les coopératives actuelles.

[22] C’est là l’un des variantes du modèle de socialisme associatif que j’ai proposé, en m’inspirant de divers modèles de socialisme autogestionnaire, dans Le socialisme est (a) venir, tome 2, op. cit.

[23] C’est là le problème rencontré par le grand groupe des coopératives de Mondragon. Sur les plus de 80.000 travailleurs de ce groupe devenu une multinationale en pleine expansion, à peine la moitié sont des coopérateurs, et ils le sont dans le pays d’origine.

[24] Nicholas Stern, un économiste britannique, a tenté la première estimation chiffrée d’un réchauffement de 4° d’ici à 2050 : 5.500 milliards d’euros, soit le coût total de la crise de 1929.

[25] Elles sont devenues, à côté de leur rôle traditionnel de banques de détail fournisseuses de crédit aux entreprises et aux ménages, de grandes banques d’affaires opérant sur tous les marchés.

[26] On distingue la finance de marché (principalement celle qui est liée au marché des actions, des obligations et des titres de trésorerie) de la finance de crédit (celle qui est liée au crédit fourni par les banques aux ménages et aux entreprises). Mais cette dernière a généré un nouveau marché, celui des titres de crédit, qui ont été au cœur de la crise des subprimes (crédits immobiliser à hauts risques).

[27] Ce mécanisme ne peut se comprendre qu’en passant à l’échelle macroscopique : c’est parce que les moyens de consommation sont payés en dessous de leur valeur (cumulée) que la valeur du salaire en général (du plus bas au plus élevé) est abaissée, ce qui libère une plus grande marge pour les profits en général (la grande entreprise en prend une part plus grande en sous-payant ses propres intrants).

[28] En voici une liste, non exhaustive : améliorer le contrôle prudentiel des banques, mieux organiser les marchés, dont celui des titres assis sur des crédits, superviser les agences de notation, séparer la banque de détail de la banque d’affaires.


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